Alors que la demande en énergie renouvelable croît, les systèmes de stockage d’énergie par batteries (BESS) jouent un rôle crucial dans la stabilisation des réseaux électriques. Mais investir dans ces technologies nécessite une planification stratégique pour garantir leur pérennité à long terme. Les avancées technologiques, la dégradation des batteries et la nécessité d’adapter les installations aux futurs standards de performance posent des défis importants aux propriétaires d’actifs énergétiques.
Anticiper l’augmentation de la capacité de stockage
Pour compenser la dégradation inévitable des batteries au fil du temps, les propriétaires de BESS peuvent recourir à l’augmentation de capacité, qui consiste à ajouter de nouvelles batteries ou de nouveaux modules de conversion de puissance (PCS) au sein des installations existantes. Cette approche permet d’augmenter la capacité énergétique disponible, assurant ainsi la continuité de la performance de l’actif.
La stratégie d’augmentation peut être mise en œuvre de deux façons principales : soit par l’ajout de nouvelles batteries en utilisant l’infrastructure de conversion de puissance existante, soit par l’intégration simultanée de nouvelles batteries et de nouveaux modules PCS. Les PCS sont des systèmes de conversion de puissance bidirectionnels, qui permettent le chargement et le déchargement des batteries. Ces unités combinent des transformateurs de moyenne tension et des onduleurs intégrés sur des plateformes en béton, ce qui leur permet de convertir l’énergie en courant alternatif (AC) à 34,5 kV pour l’intégration au réseau électrique.
Prévoir les évolutions technologiques
Les technologies de stockage évoluent rapidement. Les progrès récents incluent des améliorations dans la chimie interne des cellules de batterie, les systèmes de refroidissement et la gestion énergétique via des systèmes de contrôle embarqués. Par exemple, les fabricants ont récemment augmenté la densité énergétique des conteneurs standards de 20 pieds de près de 20 %. Certains promettent même des systèmes de batteries qui ne se dégradent pas pendant les premières années d’utilisation.
Il est donc crucial de prévoir de l’espace et des possibilités d’intégration pour des technologies futures qui ne sont pas encore sur le marché. Une stratégie d’adaptation flexible, en prévoyant des zones de stockage dédiées sur les sites d’installation, permet de faciliter l’intégration de nouvelles technologies. Par exemple, la zone de « laydown » utilisée pour le stockage des équipements de construction peut ensuite servir de base pour les unités de stockage futures.
Flexibilité et intelligence au cœur de la stratégie
Pour assurer la pérennité d’un BESS, il est essentiel de concevoir le site avec une intelligence « future-proof ». Cela signifie que l’installation doit être adaptable aux innovations futures, notamment de nouvelles générations de batteries ou d’infrastructures PCS. Les experts recommandent de baser cette flexibilité sur des données de marché, tout en garantissant une compatibilité avec les technologies actuelles.
Cette approche assure la continuité des opérations même en cas de rupture dans la chaîne d’approvisionnement ou si de nouvelles technologies ne sont pas encore disponibles. En effet, si les nouveaux produits ne sont pas accessibles, il reste possible d’installer des batteries identiques à celles d’origine, ce qui garantit la continuité de l’exploitation.
La modélisation de la dégradation des batteries
La planification de l’augmentation de capacité repose sur des simulations de dégradation de batterie, connues sous le nom de modèles d’état de santé (State of Health, ou SOH). Ces modèles sont enrichis par des données d’exploitation réelles recueillies sur des sites BESS en activité. L’analyse de ces données permet de prévoir les besoins en augmentation de capacité et d’optimiser le calendrier des investissements.
Pour les propriétaires d’actifs, les prévisions de flux de trésorerie futurs doivent intégrer ces simulations de SOH, les coûts de remplacement des batteries et l’impact potentiel des crédits d’impôt sur les investissements (Investment Tax Credits, ou ITC). De nombreux gouvernements, y compris les États-Unis via l’Inflation Reduction Act, proposent des incitations financières pour promouvoir les systèmes de stockage autonomes.
Choisir les bons partenaires technologiques
Le choix des partenaires de conception, de construction et d’exploitation (EPC et O&M) est déterminant pour assurer la pérennité des BESS. Un bon partenaire fournit des garanties basées sur des performances réelles, et non sur des hypothèses théoriques. L’accès aux données de performance opérationnelle recueillies sur des systèmes BESS existants est essentiel pour réduire les risques liés à l’exploitation.
Un autre facteur crucial est le choix du système de gestion de l’énergie (EMS) et des contrôles de la centrale. Un EMS flexible, compatible avec plusieurs fabricants de batteries et d’onduleurs, permet d’adopter les meilleures technologies disponibles à l’avenir. Opter pour un fournisseur EMS propriétaire limite la capacité d’adaptation du BESS aux évolutions du marché.
Vers des technologies non lithium-ion
Alors que le marché des BESS est encore largement dominé par les batteries lithium-ion, les besoins en stockage de longue durée poussent à diversifier les solutions. Les batteries sodium-ion, par exemple, gagnent en popularité pour les applications stationnaires où les contraintes de poids et d’espace sont moindres. Ces batteries offrent un bon équilibre entre coût, sécurité et densité énergétique, et leur matière première, le sodium, est plus abondante que le lithium.
Les batteries à électrolyte solide, bien qu’encore coûteuses, se positionnent comme une technologie premium sur le marché. Ces batteries se distinguent par une densité énergétique plus élevée et une meilleure sécurité, car elles utilisent un électrolyte solide non inflammable. Cependant, leur coût de production élevé limite pour l’instant leur adoption massive.
Sécurité et gestion des risques
La sécurité des batteries est devenue un enjeu majeur, surtout après plusieurs incidents impliquant des feux de batteries en 2023. La complexité des systèmes électrochimiques exige des mesures de sécurité rigoureuses au-delà des normes réglementaires. Les systèmes de surveillance avancés et la maintenance prédictive permettent de détecter les anomalies en temps réel et de réduire les risques d’incidents.
Pour limiter les risques d’incendie, les installations doivent respecter des distances de sécurité entre les unités de stockage, généralement de 8 à 10 pieds (environ 2,5 à 3 mètres). En outre, les propriétaires de sites doivent garantir que les fondations sont à une hauteur suffisante pour éviter les inondations. Ces mesures de prévention sont souvent exigées par les assureurs avant la souscription de polices d’assurance.
Une approche tournée vers l’avenir
Le marché des BESS est en pleine expansion, porté par la transition énergétique mondiale et la montée en puissance des énergies renouvelables. L’évolution des technologies, la diversité des applications et l’adoption de normes de sécurité plus strictes modifient en profondeur les stratégies d’investissement des acteurs de l’industrie.
Dans ce contexte, adopter une stratégie de « future-proofing » pour les BESS n’est plus une option mais une nécessité. Les propriétaires et opérateurs d’actifs doivent anticiper les besoins futurs, qu’il s’agisse de nouvelles technologies de batteries, d’exigences de sécurité accrues ou de la nécessité de diversifier les flux de revenus. Cette approche garantit non seulement la rentabilité des actifs sur le long terme, mais aussi leur résilience face à un secteur en perpétuelle évolution.