Les batteries de Saft (TotalEnergies) accélèrent l’électrification des usines

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Stockage industriel Saft s'affirme avec EnerShift et ses commandes
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Saft, la « petite » soeur de TotalEnergies, s’impose désormais comme un géant du stockage industriel. Après l’inauguration d’EnerShift à Bordeaux en septembre 2025, l’entreprise enchaîne les contrats internationaux, avec un projet d’un gigawattheure au Japon et une commande majeure au Texas. Une ascension qui confirme son rôle clé dans la transition énergétique, entre flexibilité des réseaux et électrification des usines.


À retenir

  • 9 MWh : capacité du système EnerShift à Bordeaux, capable d’alimenter une usine pendant 4 heures.
  • 1 GWh : taille du projet de stockage signé au Japon (préfecture de Fukushima), en partenariat avec Gurin Energy.
  • 2026 : date prévue pour le début des travaux au Japon et le déploiement d’EnerShift en République tchèque et aux États-Unis.
  • 2,5 millions de véhicules électriques : objectif de production annuel de la coentreprise ACC (Saft, Stellantis, Mercedes-Benz) d’ici 2030.
  • 7 à 13 % de croissance annuelle : projections du marché mondial des batteries industrielles d’ici 2033 (34,6 milliards de dollars).

La transition énergétique exige des solutions concrètes pour décarboner l’industrie et stabiliser les réseaux électriques. Saft, filiale de TotalEnergies, incarne cette double ambition : réduire l’empreinte carbone des sites industriels tout en sécurisant l’approvisionnement électrique. Avec des projets comme EnerShift en France ou des contrats internationaux dépassant le gigawattheure, l’entreprise prouve que l’innovation en stockage d’énergie n’est plus une option, mais une nécessité opérationnelle. Pour les industriels, les gestionnaires de réseaux et les constructeurs automobiles, ces avancées signifient moins de coupures, plus de résilience et une électrification accélérée.

EnerShift : le stockage industriel devient une réalité opérationnelle

Inauguré le 24 septembre 2025 sur le site de Bordeaux, EnerShift marque une étape décisive pour Saft. Ce système de stockage, basé sur la technologie lithium-ion I-Shift, combine trois batteries de 3 MWh chacune, un convertisseur et un module de contrôle. Résultat : une capacité totale de 9 MWh, suffisante pour alimenter l’intégralité du site — incluant les lignes de production ferroviaire, aéronautique et les laboratoires de R&D — pendant quatre heures en autonomie.

Un outil au service de la résilience industrielle

Au-delà de l’autonomie, EnerShift s’intègre au mécanisme MECAPA géré par RTE, qui permet d’effacer temporairement la consommation lors des pics hivernaux. Concrètement, le système peut libérer 3 MW de puissance pour le réseau national en période de tension, tout en évitant les coupures pour l’usine. Une double valeur : sécurité pour l’industriel, flexibilité pour le gestionnaire de réseau.

Pour Cédric Duclos, directeur général de Saft, cette innovation illustre une rupture technologique :

« EnerShift offre aux industriels une solution clé en main pour décarboner leur production tout en garantissant leur approvisionnement électrique. »

Cédric Duclos, DG de Saft, lors de l’inauguration à Bordeaux (septembre 2025).

Une feuille de route internationale

Le déploiement d’EnerShift ne se limite pas à la France. Saft a déjà programmé des installations pour 2026 :

  • États-Unis : un site industriel non précisé, dans la continuité des projets texans.
  • République tchèque : une usine dont les détails techniques restent à annoncer.

Ces projets s’appuient sur une technologie modulaire, adaptable aux besoins énergétiques spécifiques de chaque site. L’objectif ? Standardiser une offre capable de répondre à la fois aux enjeux de sobriété énergétique et aux exigences de continuité de service.

EnerShift Saft Bordeaux 9 MWh

Des contrats XXL pour stabiliser les réseaux électriques mondiaux

Parallèlement à ses solutions industrielles, Saft renforce sa position sur le marché du stockage de réseau (grid storage), essentiel pour absorber les intermittences des énergies renouvelables. Deux contrats récents en témoignent : un projet d’1 GWh au Japon et une commande majeure au Texas, tous deux annoncés en 2024-2025.

Fukushima : un gigawattheure pour accompagner la transition japonaise

En partenariat avec le développeur singapourien Gurin Energy, Saft fournira un Battery Energy Storage System (BESS) d’une capacité totale supérieure à 1 GWh dans la préfecture de Fukushima. Les détails techniques précis restent confidentiels, mais le projet inclut :

  • La construction du site, prévue à partir de 2026.
  • La mise en service et la maintenance du système par Saft.
  • Une intégration au réseau local pour lisser la production solaire et éolienne, très développée dans la région.

Ce contrat s’inscrit dans la stratégie japonaise de décarbonation accélérée, après l’abandon progressif du nucléaire post-Fukushima. Pour Saft, c’est aussi une vitrine technologique en Asie, un marché en pleine expansion où la demande en stockage devrait croître de 10 à 15 % par an d’ici 2030.

Le Texas, terrain de jeu des batteries géantes

Aux États-Unis, Saft a remporté en Q3 2024 un contrat pour équiper un projet de stockage sur réseau au Texas. Si les chiffres exacts n’ont pas été dévoilés, les observateurs estiment une capacité supérieure à 500 MWh, dans un État où les blackouts liés aux vagues de froid (comme en 2021) ont révélé la fragilité du réseau.

Le Texas mise sur les batteries lithium-ion avancées pour :

  • Stabiliser un réseau de plus en plus dépendant de l’éolien (25 % du mix électrique en 2023).
  • Éviter les délestages lors des pics de demande, notamment en été avec la climatisation.
  • Optimiser les coûts en stockant l’excédent solaire de midi pour le restituer en soirée.

Un marché en explosion : 34,6 milliards de dollars d’ici 2033

Ces contrats s’inscrivent dans une dynamique mondiale. Selon les projections, le marché des batteries industrielles devrait croître de 7 à 13 % par an, atteignant 34,6 milliards de dollars en 2033. Trois facteurs expliquent cette hausse :

  1. L’industrialisation massive en Asie et en Amérique du Nord, où la demande en électricité stable explose.
  2. L’essor des énergies renouvelables, qui nécessite des solutions de stockage pour compenser leur intermittence.
  3. Les réglementations climatiques, comme le Green Deal européen ou l’Inflation Reduction Act américain, qui imposent des objectifs de décarbonation aux industriels.

La mobilité électrique, second pilier de la stratégie Saft

Si le stockage industriel et réseau domine l’actualité, Saft mise aussi sur la mobilité électrique via sa coentreprise Automotive Cells Company (ACC). Créée en 2020 avec Stellantis (45 %) et rejointe par Mercedes-Benz en 2021 (30 %), ACC vise une capacité de production annuelle de 120 GWh d’ici 2030, assez pour équiper plus de 2,5 millions de véhicules.

Un savoir-faire technologique au service des constructeurs

Saft apporte à ACC son expertise en électrochimie avancée, notamment sur :

  • Les batteries haute densité énergétique, pour une autonomie accrue.
  • Les solutions de recharge ultra-rapide, compatibles avec les infrastructures européennes.
  • La durabilité, avec des cellules conçues pour une vie prolongée (plus de 3 000 cycles).
SiteCapacité (GWh/an)PartenairesMise en service
Billy-Berclau (France)13Stellantis, Mercedes-Benz2023 (phase 1)
Kaiserslautern (Allemagne)24Mercedes-Benz2025
Termoli (Italie)40Stellantis2026

Un défi : concilier performance et sobriété

L’enjeu pour ACC — et donc pour Saft — est de réduire l’empreinte carbone des batteries tout en améliorant leurs performances. Plusieurs leviers sont actionnés :

  • L’utilisation de matériaux recyclés (nickel, cobalt, lithium) à hauteur de 30 % d’ici 2027.
  • L’alimentation des usines en électricité bas-carbone, via des contrats d’achat d’énergie (PPA) solaire ou éolien.
  • L’optimisation des procédés pour diviser par deux la consommation d’eau et d’énergie par kWh produit.

Pour les constructeurs automobiles, l’équation est simple : sans batteries performantes et durables, la transition vers l’électrique sera impossible. Saft, via ACC, se positionne comme un maillon indispensable de cette chaîne.

Projet de stockage Saft Japon et Texas

Stockage et mobilité : deux faces d’une même ambition

Que ce soit à travers EnerShift pour les usines, les projets gigawatts au Japon et au Texas, ou la coentreprise ACC, Saft démontre une stratégie cohérente : faire du stockage d’énergie un levier de décarbonation et de résilience. Cette approche répond à trois impératifs majeurs :

  1. Sécuriser l’approvisionnement : éviter les coupures pour les industriels et les particuliers.
  2. Accélérer la transition énergétique : intégrer massivement les renouvelables sans déséquilibrer les réseaux.
  3. Rendre l’électrification compétitive : baisser les coûts de la mobilité et de l’industrie bas-carbone.

Un modèle reproductible, mais des défis persistants

Malgré ces avancées, deux obstacles subsistent :

  • Le coût des matières premières : le lithium et le cobalt restent volatils, avec des prix susceptibles de fluctuer de ±20 % par an.
  • La concurrence asiatique : des acteurs comme CATL (Chine) ou LG Energy Solution (Corée du Sud) dominent encore le marché avec des économies d’échelle supérieures.

Pour Saft, la réponse passe par :

« L’innovation incrémentale et l’ancrage local. Nous misons sur des usines en Europe et aux États-Unis pour réduire les dépendances et maîtriser notre chaîne de valeur. »

Un porte-parole de Saft, interviewé au salon Battery Show Europe 2025.

Et demain ? Vers des batteries sans terres rares ?

À moyen terme, Saft explore des technologies post-lithium, comme les batteries :

  • Sodium-ion : moins chères, mais avec une densité énergétique inférieure.
  • À semi-conducteurs : prometteuses pour la mobilité, mais encore au stade de la R&D.

Ces pistes pourraient réduire de 40 % le coût des cellules d’ici 2035, tout en supprimant les risques géopolitiques liés au lithium. Une révolution silencieuse, mais qui pourrait bien redéfinir les règles du jeu.

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