Pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de développement durable, de climat et de sécurité énergétique, il est nécessaire d’augmenter considérablement les investissements dans le secteur de l’énergie. Le rapport 2024 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur les investissements énergétiques propose une analyse approfondie de la structure du financement dans ce domaine, identifiant les principaux acteurs et tendances au cours de la dernière décennie. Cette analyse est essentielle pour comprendre les perspectives d’une augmentation des investissements et les implications pour la transition énergétique mondiale.
Structure du capital : l’équilibre entre dettes et fonds propres
Depuis 2015, la structure du financement des investissements énergétiques mondiaux est restée relativement stable, avec environ 46 % des dépenses financées par la dette et 54 % par des fonds propres. Les projets dans le secteur de l’électricité et en Asie sont majoritairement financés par la dette, tandis que les investissements dans l’approvisionnement en combustibles et dans les régions du Moyen-Orient et de l’Eurasie reposent davantage sur des fonds propres.
Les entreprises de combustibles fossiles, profitant de revenus élevés dus à l’augmentation des prix de l’énergie après la pandémie et l’invasion de l’Ukraine, ont réduit leurs niveaux d’endettement, avec un ratio moyen de 40 %, contre 45 % pour l’ensemble du secteur énergétique. Les compagnies pétrolières nationales (NOCs), quant à elles, utilisent la dette pour environ 35 % de leurs investissements, préférant financer les besoins en capital grâce aux revenus générés par leurs actifs en amont.
Dans les énergies propres, les coûts initiaux élevés et les marges plus faibles expliquent une part plus élevée du financement par la dette, atteignant environ 50 %. Les technologies émergentes, comme le stockage d’énergie ou l’hydrogène, sont en revanche principalement financées par le capital-risque en raison des risques élevés associés.
Rôle des différents investisseurs : entreprises, ménages et gouvernements
Les entreprises restent les principaux investisseurs dans le secteur de l’énergie, mais les ménages et les gouvernements jouent des rôles croissants. La part des investissements réalisés par les ménages a doublé depuis 2015, atteignant 18 % grâce à l’adoption de technologies d’énergie propre, telles que les panneaux solaires sur les toits, les pompes à chaleur et les véhicules électriques. Une partie de ces dépenses est soutenue par des subventions ou des incitations fiscales, en particulier dans les économies avancées.
Les gouvernements, avec une part stable de 37 % des investissements, jouent un rôle majeur dans le financement des actifs énergétiques, notamment dans les régions comme le Moyen-Orient, la Russie et l’Afrique, où les compagnies nationales sont prédominantes. Plus de 50 % des investissements énergétiques dans les économies émergentes, dont la Chine, proviennent de gouvernements ou d’entreprises publiques, contre seulement 15 % dans les pays développés.
Sources de financement : prédominance des sources commerciales
Actuellement, environ 75 % des investissements mondiaux dans l’énergie sont financés par des sources commerciales, tandis que 25 % proviennent de financements publics et 1 % des institutions financières de développement. Ces dernières, bien que représentant une part modeste, jouent un rôle crucial pour attirer des financements privés, en particulier dans les économies en développement où le coût du capital reste élevé.
Le financement public est plus courant pour certains projets, comme les infrastructures de transmission d’énergie et les projets nucléaires, souvent considérés comme stratégiques pour la sécurité énergétique. Dans les secteurs d’utilisation finale, tels que l’industrie, les bâtiments et les transports, le financement commercial prédomine avec des parts atteignant respectivement 75 %, 80 % et 85 %.
Implications pour la transition énergétique mondiale
La répartition des flux d’investissement et les sources de financement ont des implications cruciales pour l’avenir de la transition énergétique. Les projets utilisant des technologies à faible risque, tels que le solaire ou l’éolien, ont tendance à recourir davantage au financement par la dette. Cependant, dans les économies émergentes, le coût élevé du capital reste un obstacle majeur au développement des énergies propres, nécessitant un soutien accru des institutions de financement du développement pour réduire les coûts et mobiliser des capitaux privés.
Les variations régionales dans les types d’investisseurs montrent une forte dépendance aux entreprises privées en Amérique du Nord, alors que les gouvernements et les entreprises publiques jouent un rôle central en Chine, au Moyen-Orient et en Eurasie. Enfin, l’implication croissante des ménages dans les investissements liés aux énergies propres souligne l’importance de politiques bien conçues pour rendre ces technologies accessibles à un plus grand nombre de foyers.