Solaire : un rendement record de 30,04 % pour la cellule tandem pérovskite et silicium

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Un nouveau jalon vient d’être franchi dans le domaine des cellules solaires tandem. Des chercheurs chinois de l’Université polytechnique du Nord-Ouest ont mis au point une cellule solaire tandem pérovskite-silicium atteignant un rendement record de 30,04 %. Grâce à l’intégration d’une couche tampon en oxyde d’indium (In₂O₃) appliquée par pulvérisation, la protection de l’absorbeur de pérovskite et de la couche de transport des électrons (ETL) est assurée, ouvrant la voie à une nouvelle génération de cellules photovoltaïques performantes et stables.

Une percée technologique dans la structure des cellules tandem

Le dispositif mis au point par l’équipe de recherche chinoise est une cellule solaire tandem à quatre terminaux (4T) associant une cellule supérieure en pérovskite et une cellule inférieure en silicium. La nouveauté réside dans l’ajout d’une couche tampon (SBL) en oxyde d’indium (In₂O₃), appliquée par pulvérisation, un procédé compatible avec une production à grande échelle. Cette couche joue un rôle crucial en protégeant l’absorbeur de pérovskite et la couche ETL contre les dommages provoqués par le dépôt des électrodes en oxyde d’indium-étain (ITO).

Pour élaborer cette couche tampon, les chercheurs ont utilisé la technique de l’évaporation par faisceau d’électrons, qui permet de déposer l’oxyde d’indium de manière homogène. En ajustant le taux de dépôt, ils ont obtenu des films d’In₂O₃ stœchiométriques, caractérisés par une transmission lumineuse élevée et une absorption minimale des photons parasites. Selon Li Can, principal auteur de l’étude, « les films In₂O₃ d’une épaisseur de 20 nm protègent efficacement le film en pérovskite et la couche ETL des dégâts pouvant survenir pendant la pulvérisation de l’ITO ».

Un rendement de conversion énergétique record de 30,04 %

Grâce à ces avancées, la cellule tandem atteint un rendement de conversion énergétique de 30,04 %, plaçant cette technologie parmi les plus performantes à ce jour. Les tests de stabilité ont montré que la cellule conservait 80 % de son rendement initial après 423 heures d’exposition continue à la lumière. Ce niveau de performance et de stabilité est un pas significatif vers la commercialisation de ces dispositifs photovoltaïques nouvelle génération.

Les cellules tandem, qui associent la pérovskite et le silicium, sont particulièrement prometteuses, car elles permettent de capter des longueurs d’onde solaires différentes. La pérovskite absorbe les photons dans les courtes longueurs d’onde (bleu et vert), tandis que le silicium capture ceux des longueurs d’onde plus longues (rouge et infrarouge). Cette complémentarité se traduit par une meilleure exploitation du spectre solaire et donc par un rendement accru.

Un modèle de production économique et industrialisable

Contrairement aux procédés coûteux utilisés dans la fabrication des cellules photovoltaïques au silicium, la production de cellules à pérovskite fait appel à des techniques moins énergivores et à des matériaux plus abondants. La technique de pulvérisation de la couche d’oxyde d’indium est simple à mettre en œuvre et s’intègre facilement dans des chaînes de production industrielles. L’objectif est de rendre ces cellules tandem plus compétitives sur le marché solaire, notamment dans les environnements urbains où la surface exploitable est limitée.

Pourquoi la pérovskite consomme-t-elle moins de ressources ?

La pérovskite, découverte en 2012 pour ses propriétés photovoltaïques, se distingue par sa capacité à absorber une large gamme de longueurs d’onde solaires. Ce matériau, composé principalement d’oxyde de calcium et de titane, est non seulement abondant mais aussi facile à transformer. Contrairement au silicium, dont la purification est coûteuse en énergie, la pérovskite peut être déposée à basse température, ce qui réduit l’empreinte carbone de la production.

Outre son efficacité énergétique, la pérovskite se démarque par ses coûts de production plus faibles. Cette technologie pourrait permettre une baisse des prix des panneaux solaires, facilitant leur adoption à grande échelle, tant par les entreprises que par les particuliers. Oxford PV, l’une des entreprises pionnières dans ce domaine, prévoit la commercialisation de panneaux tandem à base de pérovskite dès 2024, tandis que Hanwha Qcells investit 100 millions de dollars dans une ligne de production pilote.

Des défis techniques à relever

Malgré ses nombreux atouts, la pérovskite n’est pas exempte de défis. Les panneaux solaires en pérovskite sont encore sensibles à l’humidité et aux chocs thermiques, ce qui limite leur durée de vie. Des chercheurs explorent actuellement des revêtements protecteurs et des méthodes de stabilisation pour prolonger leur durée de vie au-delà des 25 ans requis pour les panneaux photovoltaïques. Autre problème, la présence de plomb dans la structure des cellules de pérovskite. Des recherches sont en cours pour le remplacer par des matériaux non toxiques.

Un rendement en constante progression

Le record de rendement de 30,04 % n’est pas le seul jalon atteint récemment par les cellules tandem. Au fil des années, plusieurs entreprises ont franchi de nouveaux caps. Par exemple, le consortium 3SUN, basé en Sicile, a atteint un rendement de 29,8 % pour une cellule tandem de 9 cm². Ce résultat est remarquable, car la majorité des records publiés à l’international concernent des cellules de 1 cm², dont la reproduction à plus grande échelle est souvent un défi technique. En augmentant la surface active des cellules tout en maintenant des rendements élevés, les industriels espèrent accélérer la transition vers la production à grande échelle.

À titre de comparaison, la cellule tandem de 9 cm² du consortium 3SUN avait atteint un rendement de 26,5 % en mars 2023, 28,4 % en décembre 2023 et 28,7 % en juin 2024. Le franchissement du cap des 30 % par l’équipe de l’Université polytechnique du Nord-Ouest témoigne de l’intensité des recherches dans ce domaine. Le record absolu de rendement certifié, toutes catégories confondues, est actuellement de 34,6 % pour une cellule tandem de 1 cm².

Des perspectives prometteuses pour la commercialisation

Le potentiel des cellules tandem pérovskite-silicium ne se limite pas aux laboratoires. Plusieurs industriels et investisseurs se positionnent déjà sur cette technologie. En Sicile, la première gigafactory européenne, gérée par 3SUN (groupe ENEL GreenPower), va lancer des lignes de production de cellules photovoltaïques haut rendement avec des capacités de 3 GW, ce qui permettra d’industrialiser ces cellules sur le marché européen. Oxford PV, de son côté, ambitionne de produire des panneaux tandem à l’échelle commerciale d’ici 2024.

Un futur pour la transition énergétique

Les cellules tandem pérovskite-silicium promettent de réduire les coûts de production et d’augmenter les rendements énergétiques. Cette technologie pourrait jouer un rôle majeur dans la transition énergétique mondiale, en rendant l’énergie solaire plus compétitive et plus accessible. Avec des rendements dépassant les 30 %, elle se rapproche des limites théoriques du photovoltaïque, tout en restant industrialisable à grande échelle.

La montée en puissance des cellules tandem ne signifie pas pour autant la fin des cellules au silicium classiques. Les deux technologies devraient coexister, la pérovskite jouant le rôle de catalyseur d’innovation. D’ici à 2030, on pourrait voir émerger sur le marché des panneaux solaires combinant les deux matériaux, assurant une production d’électricité optimale sur des surfaces limitées. Avec la baisse des coûts et l’augmentation des rendements, les cellules tandem pourraient enfin faire de l’énergie solaire une solution accessible au plus grand nombre.