Une innovation américaine pourrait relancer l’intérêt pour les générateurs thermoélectriques solaires, longtemps considérés comme peu performants. Des chercheurs de l’Université de Rochester ont multiplié par quinze l’efficacité de ces dispositifs en utilisant un matériau baptisé « black metal ». Cette percée, publiée en août dernier, ouvre des perspectives pour capter la chaleur solaire là où les panneaux photovoltaïques classiques peinent.
À retenir
- Les STEG convertissent la chaleur en électricité via l’effet Seebeck, contrairement aux panneaux PV qui exploitent la lumière.
- L’efficacité des STEG traditionnels était inférieure à 1 %, contre environ 20 % pour les PV résidentiels.
- La nouvelle technique à base de black metal en tungstène booste la performance par un facteur de quinze.
- Applications potentielles : capteurs sans fil, électronique portable et systèmes hors réseau.
- Publication de l’étude le 12 août 2025 dans Light: Science and Applications.
Cette avancée arrive à un moment clé de la transition énergétique, où chaque pourcentage d’efficacité gagné compte pour accélérer la décarbonation sans dépendre uniquement des technologies dominantes comme le photovoltaïque. Pour les acteurs de l’énergie en Europe, confrontés à des objectifs de sobriété et d’adaptabilité croissants, les STEG améliorés représentent une option pragmatique pour exploiter des sources thermiques sous-utilisées, comme la chaleur solaire résiduelle ou ambiante. Elle souligne l’innovation incrémentale plutôt que disruptive, essentielle pour un mix énergétique diversifié et résilient face aux aléas climatiques.
Les générateurs thermoélectriques solaires : un principe sous-exploité
Longtemps relégués au rang de curiosité scientifique, les générateurs thermoélectriques solaires, ou STEG, reposent sur un mécanisme physique découvert au XIXe siècle, qui pourrait aujourd’hui contribuer à une énergie plus versatile.
Définition et principe de l’effet Seebeck
Les STEG sont des dispositifs à l’état solide qui transforment la chaleur en électricité sans pièces mobiles. Ils exploitent l’effet Seebeck, un phénomène où une différence de température entre deux semi-conducteurs provoque un flux d’électrons, générant une tension électrique. Contrairement aux panneaux photovoltaïques, qui captent uniquement les photons lumineux, les STEG valorisent la chaleur de n’importe quelle source, solaire ou non.
Dans un STEG typique, un côté chaud absorbe l’énergie thermique tandis que l’autre, froid, la dissipe, créant un gradient thermique à travers le semi-conducteur. Ce processus, entièrement électronique, évite les pertes mécaniques des turbines traditionnelles. Historiquement, ces systèmes ont équipé des missions spatiales, comme les sondes Voyager, prouvant leur fiabilité en environnements extrêmes.
La limitation historique des systèmes STEG
Jusqu’à récemment, l’adoption des STEG était freinée par leur efficacité énergétique faible, souvent inférieure à 1 % pour la conversion de la lumière solaire en électricité. À titre de comparaison, les panneaux PV résidentiels atteignent environ 20 % d’efficacité, rendant les STEG peu compétitifs pour des applications terrestres. Les chercheurs ont donc ciblé non pas les semi-conducteurs eux-mêmes, mais les interfaces chaud et froid pour optimiser le transfert de chaleur.
Cette contrainte historique explique pourquoi les STEG restaient confinés à des niches, comme l’alimentation de capteurs isolés. En Europe, où la transition énergétique priorise l’efficacité et la sobriété, une telle inefficacité les écartait des scénarios de mix renouvelable. Pourtant, leur capacité à fonctionner sans lumière directe – par exemple sous un ciel nuageux – en faisait des candidats idéaux pour une adaptabilité accrue.

La percée du black metal : ingénierie à l’échelle nanométrique
En réinventant les surfaces des STEG via des techniques laser avancées, une équipe américaine a transformé un métal ordinaire en un piège à chaleur ultra-performant, marquant une étape décisive dans l’innovation thermoélectrique.
Le rôle du laser femtoseconde et des nano-structures
Dirigée par le physicien Chunlei Guo à l’Institute of Optics de l’Université de Rochester, l’équipe a traité du tungstène avec des pulsations laser femtoseconde, des impulsions ultra-brèves d’une durée d’un femto-seconde (10−15 seconde). Ce procédé grave des nano-structures sur la surface, la rendant noire comme de l’encre et capable d’absorber 99 % du rayonnement solaire. Le résultat, surnommé « black metal », révolutionne l’absorption en piégeant la lumière sur plusieurs échelles microscopiques.
Ces nano-structures ne se contentent pas d’absorber ; elles modulent le spectre pour privilégier les longueurs d’onde solaires tout en minimisant les radiations thermiques inutiles. Sur le côté froid, la même technique appliquée à l’aluminium renforce le refroidissement par convection et radiation, doublant ainsi sa capacité dissipative. Cette ingénierie spectrale rend le STEG bien plus sélectif, comme un filtre optique dédié à l’énergie utile.
L’ingénierie spectrale et la gestion thermique « mini-serre »
Pour maximiser le piégeage de la chaleur, les chercheurs ont ajouté une couche de plastique transparent sur le black metal, créant un effet de mini-serre. Cette enveloppe réduit les pertes par conduction et convection, confinant la chaleur près du semi-conducteur. Ensemble, ces ajustements – absorption solaire sélective et gestion thermique optimisée – créent un gradient thermique plus prononcé, clé pour l’effet Seebeck.
Le black metal agit ainsi comme un absorbeur solaire hautement sélectif, convertissant plus efficacement l’énergie thermique en électricité. Cette approche nanométrique, soutenue par la National Science Foundation et d’autres organismes, démontre comment des tweaks de surface peuvent booster des technologies existantes. En France et en Europe, où la recherche en matériaux avancés progresse, de telles innovations pourraient s’intégrer à des projets de R&D pour la conversion d’énergie thermique.

Vers quinze fois plus d’efficacité : applications et limites
Avec une multiplication par quinze de la puissance générée, cette technologie propulse les STEG vers des usages concrets, tout en soulignant les défis persistants pour une intégration large dans la transition énergétique.
Les chiffres de la performance et la publication scientifique
L’étude, parue le 12 août 2025 dans Light: Science and Applications, rapporte que les STEG modifiés produisent quinze fois plus de puissance que leurs prédécesseurs. Des prototypes ont déjà alimenté des LED de manière stable, prouvant la viabilité électrique. Bien que l’efficacité absolue reste en deçà des PV – environ 15 % théorique ici contre 20 % pour les panneaux standards –, ce bond relatif marque un tournant pour les systèmes hors réseau.
Financée par la NSF, FuzeHub et le Goergen Institute for Data Science and Artificial Intelligence, cette recherche met en lumière le potentiel des thermoélectriques hybrides. En Europe, où les objectifs CO2 exigent une diversification des renouvelables, ces chiffres incitent à explorer des synergies avec le photovoltaïque pour une efficacité globale accrue.
Applications concrètes et un contrepoint sur les défis
Immédiatement, les nouveaux STEG s’appliquent à des capteurs sans fil et de l’électronique portable, idéaux pour des zones isolées sans infrastructure. À plus long terme, ils pourraient équiper des installations off-grid en Afrique ou en zones rurales européennes, captant la chaleur solaire pour une énergie fiable. Cette adaptabilité renforce la durabilité, en complétant les PV là où la lumière est diffuse.
Cependant, un contrepoint loyal émerge : malgré le gain, l’efficacité reste limitée pour des échelles industrielles, et les coûts de production laser pourraient freiner la scalabilité initiale. Les chercheurs admettent que des avancées en semi-conducteurs seront nécessaires pour concurrencer pleinement les PV.
« Cette technologie ouvre un nouveau chapitre, mais il faudra des itérations pour une adoption massive »
tempère Chunlei Guo dans l’étude. Au final, cette percée invite à une vigilance pragmatique, équilibrant enthousiasme et réalisme dans la course à la sobriété énergétique.










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