Le solaire et l’éolien ne sont plus seulement des énergies propres, mais aussi les sources d’électricité les moins chères en Europe, avec des coûts moyens inférieurs à 4 centimes d’euro par kWh en 2024. Cette compétitivité record, confirmée par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), s’explique par une baisse de 89 % du prix du solaire et de 70 % de celui de l’éolien terrestre depuis 2010, rendue possible par des progrès technologiques et des économies d’échelle massives. Pourtant, leur intégration dans le réseau électrique bute encore sur des défis structurels : intermittence, adaptation des infrastructures et dépendance aux chaînes d’approvisionnement asiatiques, qui pèsent sur la souveraineté énergétique de l’Union européenne.
Pour évaluer la compétitivité des énergies renouvelables face aux sources conventionnelles, un indicateur s’impose : le coût actualisé de l’énergie (LCOE). Derrière cet acronyme technique se cache une méthode de calcul rigoureuse, adoptée par les décideurs publics, les investisseurs et les gestionnaires de réseaux. Son principe ? Ramener à une valeur unique, en euros par mégawattheure (€/MWh), l’ensemble des coûts engagés sur toute la durée de vie d’une centrale électrique, qu’elle soit solaire, éolienne, nucléaire ou à gaz. Un outil indispensable pour comparer objectivement des technologies aux profils radicalement différents : une ferme éolienne, dont l’investissement initial est élevé mais les coûts de fonctionnement quasi nuls, et une centrale à gaz, moins chère à construire mais dépendante du prix volatile des combustibles fossiles.
Comprendre le coût actualisé de l’énergie (LCOE) pour évaluer la compétitivité des renouvelables
Le LCOE répond à une question centrale : quel est le prix minimal auquel une technologie doit vendre son électricité pour couvrir ses coûts sur 20, 30 ou 40 ans ? Contrairement à un simple ratio investissement/puissance installée, il intègre quatre paramètres clés :
- Les coûts d’investissement (CapEx) : achat des équipements, construction, raccordement au réseau. Par exemple, 800 à 1 200 €/kW pour une centrale solaire photovoltaïque en 2023, contre 3 000 à 6 000 €/kW pour un réacteur nucléaire EPR.
- Les coûts opérationnels (OpEx) : maintenance, assurances, salaires. Ils représentent 1 à 3 % du CapEx annuel pour l’éolien, mais jusqu’à 10 % pour une centrale à charbon.
- Le facteur de charge : rapport entre l’électricité effectivement produite et la production maximale théorique. Un parc solaire en France affiche un facteur de charge de 12 à 15 %, contre 50 à 60 % pour une éolienne offshore.
- Le taux d’actualisation : il reflète le coût du capital (généralement entre 3 et 10 %) et pèse lourd dans le résultat final, surtout pour les technologies à investissement initial élevé.
Prenons un cas concret : une centrale solaire de 1 MW en Occitanie, avec un investissement de 1 million d’euros, des coûts de maintenance annuels de 20 000 €, un facteur de charge de 14 % et une durée de vie de 25 ans. Avec un taux d’actualisation de 5 %, son LCOE s’élève à 55 €/MWh. À titre de comparaison, une centrale à gaz cycle combiné (CCGT) affichait un LCOE moyen de 70 à 100 €/MWh en 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA) — une fourchette qui explose à 150-200 €/MWh avec la flambée des prix du gaz post-guerre en Ukraine.
Le LCOE des renouvelables est désormais souvent inférieur à celui des filières fossiles, même sans subventions.
Francesco La Camera, directeur général de l’IRENA, lors de la publication du rapport Renewable Power Generation Costs in 2021.

Méthodologie de calcul : composantes et hypothèses clés
Le calcul du LCOE suit une formule standardisée, mais ses résultats varient fortement selon les hypothèses retenues. La formule de base se décompose ainsi :
LCOE = (Σ CapEx + Σ OpEx) / Σ Électricité produite, avec actualisation des flux financiers.
Source : méthodologie de l’IRENA, adaptée aux standards européens. Concrètement, cela implique :
- D’actualiser les coûts futurs pour les ramener à leur valeur présente (un euro dépensé dans 20 ans vaut moins qu’un euro aujourd’hui).
- De prendre en compte la durée de vie réelle des équipements : 25-30 ans pour le solaire, 20-25 ans pour l’éolien terrestre, jusqu’à 60 ans pour le nucléaire.
- D’estimer la production annuelle moyenne, influencée par la ressource locale (ensoleillement, vent) et les pertes techniques.
Les écarts peuvent être spectaculaires. Par exemple, le LCOE d’un parc éolien en Mer du Nord (facteur de charge de 45 %) sera deux fois inférieur à celui d’un parc similaire en Méditerranée (facteur de charge de 25 %). De même, un taux d’actualisation de 3 % (typique des projets publics) donne un LCOE de 40 €/MWh pour le solaire, contre 60 €/MWh avec un taux de 8 % (projet privé à risque). Les hypothèses sont donc aussi importantes que les chiffres bruts.
Limites du LCOE : que mesure-t-il réellement ?
Si le LCOE est un outil puissant, il ne capture qu’une partie de la réalité économique. **Trois limites majeures** doivent être gardées à l’esprit :
- L’absence de valeur temporelle : le LCOE suppose que 1 MWh produit à midi a la même valeur que 1 MWh produit à minuit. Or, les prix de marché varient de 1 à 10 selon l’heure et la saison. Une centrale solaire, dont la production coïncide avec les pics de demande estivale, peut ainsi générer des revenus bien supérieurs à son LCOE.
- Les coûts système ignorés : intégrer 30 % d’éolien dans un réseau nécessite des investissements en flexibilité (batteries, interconnexions) ou en capacités de secours. Ces coûts, estimés entre 5 et 20 €/MWh par l’ADEME, ne sont pas inclus dans le LCOE.
- La localisation et les externalités : un projet hydroélectrique en Norvège (ressource abondante, faible impact environnemental) aura un LCOE bien inférieur à un barrage en Amazonie (coûts sociaux et écologiques élevés), alors que la formule ne distingue pas ces contextes.
Enfin, le LCOE ne dit rien de la résilience des technologies face aux chocs. Ainsi, entre 2020 et 2022, le LCOE des centrales à gaz a bondi de +130 % en Europe sous l’effet de la crise gazière, tandis que celui des renouvelables — dont les coûts sont majoritairement fixes — restait stable.
Le LCOE est un indicateur statique dans un monde énergétique dynamique. Il faut le compléter par des analyses de risque et de flexibilité.
Cédric Philibert, expert en transitions énergétiques à l’OCDE, lors d’un séminaire sur les outils d’aide à la décision (2023).
En 2024, la transition énergétique franchit un cap décisif : les énergies renouvelables ne sont plus seulement une alternative vertueuse, mais aussi la solution la plus compétitive économiquement. Les dernières données de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) confirment une tendance lourde : les coûts de production du solaire et de l’éolien s’effondrent, au point de rendre obsolètes les centrales à charbon ou à gaz dans la majorité des cas. Cette inversion des rapports de force, impensable il y a encore dix ans, redessine les stratégies énergétiques mondiales – et pose une question simple : pourquoi persister avec des technologies fossiles plus chères et plus polluantes ?
La baisse spectaculaire des coûts de production d’énergie renouvelable en 2024
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 2010 et 2024, le coût moyen pondéré du solaire photovoltaïque a chuté de 89 %, tandis que celui de l’éolien terrestre reculait de 69 %. Même l’éolien en mer, souvent perçu comme une technologie onéreuse, affiche une baisse de 59 % sur la même période. Résultat : en 2024, 86 % des nouvelles capacités renouvelables installées dans le monde produisent une électricité moins chère que celle des centrales à charbon existantes. Un basculement historique, quand on sait que le charbon représentait encore 35 % de la production mondiale d’électricité en 2023.
Cette compétitivité s’exprime à travers un indicateur clé : le LCOE (Levelized Cost Of Energy, ou coût actualisé de l’énergie), qui mesure le prix moyen d’un kWh sur la durée de vie d’une installation. En 2024, le LCOE mondial moyen du solaire photovoltaïque s’établit autour de 4,5 cents de dollar par kWh (soit environ 4,3 centimes d’euro), tandis que l’éolien terrestre descend à 3,7 cents de dollar (3,5 centimes d’euro). À titre de comparaison, les centrales à charbon nouvellement construites affichent des coûts compris entre 5 et 17 cents de dollar par kWh, selon les régions. Dans les faits, les renouvelables sont désormais moins chères que 90 % des projets fossiles en développement.
Analyse des chiffres clés et compétitivité face aux énergies fossiles
La dynamique est particulièrement marquée dans les régions ensoleillées ou venteuses, où les coûts atteignent des planchers. Au Moyen-Orient, par exemple, des centrales solaires signent des contrats à 1 à 2 cents de dollar par kWh (0,9 à 1,9 centime d’euro), un niveau inégalé par toute autre technologie. En Europe, malgré des conditions moins optimales, l’éolien terrestre en Allemagne ou en Espagne produit déjà à moins de 4 cents de dollar (3,8 centimes d’euro), soit moins que le prix de marché de l’électricité fossile dans la plupart des pays du continent.
Cette compétitivité ne se limite pas aux nouvelles installations. Même en intégrant les coûts de démantèlement ou de recyclage des panneaux solaires et éoliennes, les renouvelables restent avantageuses. Une étude de l’IRENA estime que le remplacement des 500 GW de centrales à charbon les plus chères par des parcs solaires et éoliens permettrait aux consommateurs d’économiser jusqu’à 23 milliards de dollars par an (22 milliards d’euros) – sans compter les gains sanitaires liés à la réduction de la pollution de l’air.
Pourtant, un paradoxe persiste : malgré ces coûts historiquement bas, les investissements dans les fossiles se maintiennent, notamment dans les pays dépendants du charbon ou du gaz. La raison ? Des subventions implicites ou explicites aux énergies fossiles, estimées à 7 000 milliards de dollars (6 700 milliards d’euros) en 2023 par le FMI, faussent la donne. Sans ces aides, le basculement vers les renouvelables serait encore plus rapide.

Comparaison des LCOE par technologie renouvelable majeure
Tous les renouvelables ne se valent pas en termes de coûts. Le tableau ci-dessous synthétise les LCOE moyens en 2024, par technologie et par région, en cents de dollar par kWh (1 USD = 0,96 EUR). Les écarts s’expliquent par des facteurs géographiques, mais aussi par la maturité des filières :
| Technologie | Monde | Europe | Chine | États-Unis |
|---|---|---|---|---|
| Solaire photovoltaïque | 4,5 | 5,2 | 3,8 | 4,1 |
| Éolien terrestre | 3,7 | 4,0 | 3,5 | 3,2 |
| Éolien en mer | 7,5 | 6,8 | 7,2 | 8,0 |
| Hydraulique | 4,8 | 5,5 | 3,9 | 4,7 |
Plusieurs enseignements se dégagent :
- L’éolien terrestre reste la technologie la plus compétitive, devant le solaire, grâce à des turbines toujours plus performantes et une maintenance optimisée.
- Le solaire photovoltaïque, bien que légèrement plus cher, bénéficie d’une baisse des coûts deux fois plus rapide que l’éolien depuis 2010, portée par les économies d’échelle et l’innovation sur les panneaux.
- L’éolien en mer, encore 50 % plus cher que le terrestre, voit ses coûts fondre grâce à des éoliennes de nouvelle génération (20 MW et plus) et à une meilleure gestion des parcs.
- L’hydraulique, stable, reste compétitive mais souffre de contraintes géographiques et environnementales limitant son expansion.
Révision des idées reçues historiques sur les coûts photovoltaïques
Longtemps perçue comme une énergie « de niche » réservée aux écologistes aisés, l’électricité solaire a vu son image radicalement transformée par les données économiques. Pourtant, certaines idées reçues persistent. En voici trois, démontées par les faits :
« Le solaire est trop cher sans subventions. »
Aujourd’hui, le solaire et l’éolien sont compétitifs sans aide publique dans la plupart des régions.
Francesco La Camera, directeur général de l’IRENA, juin 2024
Les mécanismes de soutien (tarifs d’achat garantis, crédits d’impôt) ont accéléré la baisse des coûts, mais ils ne sont plus indispensables. En 2024, plus de 60 % des projets solaires dans le monde sont réalisés sans subventions, contre moins de 10 % en 2015. Le Brésil, l’Inde ou l’Espagne en sont des exemples frappants : les enchères pour de nouveaux parcs solaires y atteignent régulièrement des prix inférieurs à 2 cents de dollar par kWh.
« Les panneaux solaires ne durent pas et coûtent cher à recycler. »
La durée de vie moyenne d’un panneau photovoltaïque est aujourd’hui de 25 à 30 ans, avec des garanties de performance à 80 % après 25 ans. Quant au recyclage, des filières industrielles se structurent : en Europe, le taux de recyclage des panneaux atteint déjà 95 % pour le verre et l’aluminium, et 85 % pour le silicium, selon PV Cycle. Le coût ? Environ 0,2 à 0,5 centime d’euro par kWh produit sur la durée de vie du panneau – une fraction négligeable du LCOE.
« Le solaire, c’est bien, mais ça ne fonctionne pas la nuit. »
Ce constat, exact, ignore deux réalités :
- Le couplage avec des batteries lithium-ion permet désormais de stocker l’électricité solaire à un coût compétitif : autour de 10 cents de dollar par kWh stocké (9,6 centimes d’euro), en baisse de 80 % depuis 2015.
- Les centrales solaires à concentration (CSP), comme celle de Noor Ouarzazate au Maroc, stockent la chaleur dans des sels fondus et peuvent produire de l’électricité jusqu’à 15 heures après le coucher du soleil.
Enfin, une dernière donnée clôt le débat : en 2023, les énergies renouvelables ont représenté 86 % de la nouvelle capacité électrique mondiale, selon l’IRENA. Une preuve que leur compétitivité n’est plus un sujet de débat – mais une évidence économique.
Depuis une décennie, les coûts de production des énergies renouvelables ont chuté de manière spectaculaire, rendant le solaire et l’éolien compétitifs face aux énergies fossiles. Entre 2010 et 2023, le prix de l’électricité solaire a diminué de 89 %, tandis que celui de l’éolien terrestre a baissé de 70 %. Cette baisse s’explique par une combinaison de facteurs technologiques, industriels et économiques, dont certains jouent un rôle plus déterminant que d’autres.
Facteurs déterminants et tendances technologiques influençant les coûts des renouvelables
L’innovation technique est le premier levier de cette réduction des coûts. Dans le solaire photovoltaïque, le rendement moyen des modules est passé de 12 % à plus de 23 % en quinze ans, grâce à l’amélioration des cellules (PERC, bifaciales) et à l’optimisation des matériaux. Pour l’éolien, la taille des rotors a presque doublé, passant de 80 mètres à plus de 150 mètres de diamètre, ce qui permet de capter davantage d’énergie avec un seul mât.

« Une éolienne de 2023 produit jusqu’à 15 MW, contre 2 MW pour un modèle des années 2000 »
note l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Ces gains de performance réduisent le coût nivelé de l’énergie (LCOE), c’est-à-dire le prix moyen sur la durée de vie d’une installation.
Impact des innovations technologiques et amélioration des performances
Au-delà des gains de rendement, les progrès portent aussi sur la durabilité et la maintenance. Les panneaux solaires actuels ont une durée de vie de 25 à 30 ans, contre 20 ans il y a une décennie. Les éoliennes, quant à elles, bénéficient de systèmes de surveillance intelligents (IoT, capteurs) qui optimisent leur fonctionnement et réduisent les temps d’arrêt. Par exemple, les pales en matériaux composites allégés limitent l’usure mécanique, tandis que les onduleurs solaires nouvelle génération améliorent la conversion du courant continu en alternatif avec moins de pertes. Ces innovations, bien que souvent invisibles pour le grand public, ont un impact direct sur la rentabilité des projets.
Rôle des chaînes d’approvisionnement globales et économies d’échelle
La baisse des coûts ne repose pas uniquement sur la technologie, mais aussi sur l’industrialisation de la filière. Le solaire photovoltaïque illustre parfaitement ce phénomène : 80 % de la production mondiale de modules est concentrée en Chine, où des usines géantes comme celle de LONGi Solar (capacité de 60 GW/an) bénéficient d’économies d’échelle massives. La standardisation des composants (verre, silicium, cadres en aluminium) et l’automatisation des lignes de production ont fait chuter le prix des modules de 0,76 €/W en 2010 à 0,18 €/W en 2023. L’éolien suit une logique similaire, avec des fabricants comme Vestas ou Siemens Gamesa qui produisent des milliers de pales identiques par an, réduisant les coûts de conception et de logistique.

En revanche, cette concentration géographique expose le secteur à des risques. La crise des conteneurs de 2021-2022 a provoqué des retards de livraison et une hausse temporaire des prix de 10 à 15 %, rappelant l’importance de diversifier les sources d’approvisionnement. L’Europe tente de relocaliser une partie de la production, mais les coûts restent 20 à 30 % plus élevés qu’en Asie, en raison de salaires plus élevés et d’une moindre intégration verticale.
Évolution des coûts d’installation et rôle stratégique du stockage d’énergie
Si les équipements deviennent moins chers, les coûts d’installation et de raccordement restent un poste important, représentant 30 à 50 % du budget total d’un projet solaire ou éolien. Les délais administratifs, les études d’impact environnemental et les travaux de génie civil (fondations, câblage) varient fortement selon les pays. En France, par exemple, un parc éolien met en moyenne 5 ans entre le dépôt du permis et la mise en service, contre 2 ans au Danemark. Les coûts de main-d’œuvre et les normes locales jouent également un rôle clé : installer 1 MW de solaire coûte environ 500 000 € en Allemagne, contre 700 000 € en France, en raison de différences réglementaires et fiscales.
Enfin, l’intermittence des renouvelables impose de repenser le système électrique dans son ensemble. Le stockage (batteries lithium-ion, hydrogène vert, STEP) devient un levier essentiel pour réduire les coûts « système » liés à l’équilibrage du réseau. Selon BloombergNEF, le prix des batteries a chuté de 89 % entre 2010 et 2022, rendant leur déploiement massivement rentable. En Australie, le projet Hornsdale Power Reserve (150 MW / 194 MWh) a permis d’économiser 150 millions € en trois ans en évitant les pics de prix sur le marché de gros. À plus grande échelle, l’hydrogène vert pourrait stocker l’excédent d’éolien offshore à un coût compétitif d’ici 2030, selon l’ADEME, à condition que les électrolyseurs atteignent une capacité de 100 GW en Europe.
Ces avancées montrent que la compétitivité des renouvelables ne dépend plus seulement de la production d’électricité, mais aussi de leur intégration intelligente dans le réseau, via des solutions de flexibilité et de stockage. Sans ces compléments, les gains réalisés sur les coûts de génération risquent d’être partiellement annulés par des surcoûts liés à la gestion de l’intermittence.
La transition vers les énergies renouvelables ne se limite pas à remplacer les sources fossiles par des alternatives vertes. Elle implique une refonte stratégique des infrastructures, où l’efficacité dépend autant de l’innovation technologique que de l’intégration intelligente des ressources disponibles. Les coûts de production de l’éolien et du solaire ont chuté de 80 % à 90 % en une décennie, selon les dernières analyses, mais leur intermittence reste un défi majeur. La solution ? Combiner les forces de différentes technologies, optimiser leur complémentarité et les ancrer dans les besoins réels des secteurs économiques.
Bonnes pratiques et perspectives d’avenir pour renforcer la compétitivité des renouvelables
Pour maximiser l’efficacité des énergies renouvelables, deux leviers se dégagent : l’hybridation des systèmes et l’intégration sectorielle. L’hybridation consiste à coupler plusieurs sources d’énergie – solaire, éolien, stockage par batteries – au sein d’une même installation. Un parc hybride solaire-éolien avec stockage peut atteindre un facteur de charge de 60 à 70 %, contre 20 à 30 % pour une installation solaire ou éolienne seule. Ce gain de productivité réduit les coûts moyens de l’électricité (LCOE) et limite le recours aux énergies fossiles en période de faible ensoleillement ou de vent faible.

L’intégration sectorielle, elle, repose sur l’idée d’utiliser l’électricité renouvelable là où elle est la plus utile : chauffage urbain via des pompes à chaleur, procédés industriels électrifiés, ou recharge de véhicules électriques. Par exemple, un couplage chaleur-électricité (cogénération) dans une usine peut valoriser jusqu’à 90 % de l’énergie primaire, contre 30 à 40 % dans une centrale thermique classique. En Allemagne, des sites industriels comme ceux de BASF testent déjà des électrolyseurs alimentés par de l’éolien en mer pour produire de l’hydrogène vert, réduisant ainsi leur empreinte carbone tout en sécurisant leur approvisionnement.
Optimisation par systèmes hybrides et intégration sectorielle
Les systèmes hybrides ne se contentent pas d’additionner des technologies : ils les synchronisent pour lisser la production. Un exemple concret est le projet Hornsea Two au Royaume-Uni, où un parc éolien offshore est couplé à une ferme solaire flottante et à un système de stockage par batteries. Cette combinaison permet de couvrir 85 % des besoins en électricité d’un million de foyers, avec une stabilité accrue du réseau. En France, EDF Renouvelables expérimente des centrales hybrides dans les DOM-TOM, où l’ensoleillement et les alizés offrent un potentiel idéal pour ce type de synergies.
L’intégration sectorielle, quant à elle, repose sur trois piliers :
- Le couplage chaleur-électricité : utiliser la chaleur résiduelle des data centers ou des usines pour alimenter des réseaux de chauffage urbain, comme le fait Paris avec son réseau de chaleur alimenté à 50 % par des énergies renouvelables et de récupération.
- L’électrification des procédés industriels : remplacer les fours à gaz par des fours électriques dans la sidérurgie ou la céramique, à l’image des tests menés par ArcelorMittal en Belgique.
- La mobilité décarbonée : alimenter les flottes de bus ou de camions en électricité renouvelable, comme à Amsterdam, où les bus électriques sont rechargés via des éoliennes locales.
Ces approches réduisent non seulement les émissions de CO₂, mais aussi les coûts énergétiques des entreprises de 15 à 30 %, selon les retours d’expérience.
Valorisation des énergies complémentaires : hydroélectricité et géothermie
Si le solaire et l’éolien dominent les débats, deux énergies renouvelables jouent un rôle clé de stabilisation : l’hydroélectricité et la géothermie. L’hydroélectricité, grâce à ses barrages et stations de pompage, peut stocker l’eau en période de surplus et la relâcher lors des pics de demande. En Norvège, 98 % de l’électricité provient de l’hydraulique, avec une capacité de stockage équivalente à celle de millions de batteries. En France, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) comme celle de Grand’Maison en Isère permettent de stocker l’équivalent de 6 heures de consommation nationale.
La géothermie, souvent sous-estimée, offre une production stable et locale. En Île-de-France, 50 000 logements sont chauffés grâce à la géothermie, avec des forages exploitant des nappes à 1 500 mètres de profondeur. À Reykjavik, en Islande, 90 % des bâtiments sont chauffés par géothermie, réduisant quasi à néant les émissions liées au chauffage. Contrairement au solaire ou à l’éolien, la géothermie a un facteur de charge supérieur à 90 %, ce qui en fait un atout majeur pour équilibrer le réseau.
Impacts positifs sur la sécurité énergétique et la résilience économique
Le développement des renouvelables ne se mesure pas seulement en tonnes de CO₂ évitées. Il renforce aussi l’indépendance énergétique et la résilience économique. En 2022, l’Union européenne a dépensé 400 milliards d’euros en importations de gaz et de pétrole. Remplacer une partie de ces importations par des énergies locales crée des emplois non délocalisables : selon l’ADEME, le secteur des renouvelables pourrait générer 220 000 emplois en France d’ici 2030, dont 60 % dans l’éolien et le solaire.
La sécurité d’approvisionnement en est aussi renforcée. Contrairement aux centrales à gaz, dépendantes des pipelines, un mix renouvelable diversifié limite les risques de pénurie. Le Danemark, qui couvre déjà 50 % de sa consommation électrique par l’éolien, a maintenu ses prix de l’électricité stables pendant la crise énergétique de 2022, alors que ceux de ses voisins flambaient. De même, en Bavière, les coopératives citoyennes d’énergie solaire et éolienne ont permis à des communes de devenir autonomes à 80 %.
Enfin, les renouvelables réduisent l’exposition aux fluctuations des prix des combustibles fossiles. Le coût marginal de l’éolien ou du solaire est proche de zéro : une fois l’infrastructure amortie, l’électricité produite ne dépend plus des cours du gaz ou du charbon. Cela offre une visibilité financière aux industries énergivores, comme l’aluminium ou le verre, et protège les ménages des hausses brutales des factures. En Espagne, où le solaire représente désormais 20 % du mix électrique, les prix de gros de l’électricité ont baissé de 30 % entre 2022 et 2023 lors des heures d’ensoleillement maximal.










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