Le Japon adopte une nouvelle orientation stratégique pour son avenir énergétique, en redéfinissant le rôle du nucléaire et des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Dans un contexte de demande croissante en électricité et d’engagements ambitieux de décarbonation, le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI) a présenté un projet de plan énergétique pour 2040, visant à maximiser l’utilisation de ces deux sources d’énergie. Ce changement marque une rupture avec les politiques antérieures qui limitaient le recours au nucléaire suite à l’accident de Fukushima en 2011.
Un objectif ambitieux : 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2040
Le projet de plan prévoit que les énergies renouvelables représentent entre 40 et 50 % de la production électrique japonaise d’ici 2040, soit plus du double des 22 % atteints en 2023. Ce développement repose sur des investissements massifs dans le solaire, l’éolien et d’autres technologies innovantes, notamment les panneaux solaires portables et les batteries avancées. Les décideurs mettent en avant l’importance de cette transition pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles, qui représentent encore près de 70 % de la production électrique actuelle.
Des défis d’investissement et de faisabilité
Malgré ces ambitions, des interrogations subsistent quant à la faisabilité de ces objectifs. Les experts soulignent un risque de sous-investissement et une réduction des coûts moins rapide qu’attendu. En outre, le développement des infrastructures nécessaires pourrait être ralenti par des contraintes réglementaires et des résistances locales.
Le retour du nucléaire : une nécessité stratégique
Dans le même temps, le Japon vise une augmentation significative de la part du nucléaire dans son mix énergétique, pour atteindre 20 % de la production en 2040, contre moins de 10 % aujourd’hui. Pour cela, le gouvernement prévoit la relance de 30 réacteurs d’ici 2030, la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants jusqu’à 60 ans et le développement de réacteurs de nouvelle génération.
Une transition encadrée par des enjeux sécuritaires
La relance du nucléaire repose sur des mesures de sécurité renforcées mises en place après Fukushima. Cependant, la mise en conformité des centrales représente un défi financier de taille. Depuis 2011, les coûts liés aux mesures post-Fukushima, incluant les adaptations aux normes anti-terrorisme, s’élèvent à plus de 6 000 milliards de yens (environ 40 milliards d’euros). Ce fardeau est aggravé par l’opposition locale, des recours juridiques et la complexité des processus réglementaires.
Une réponse à la demande croissante en électricité
Le retour en force du nucléaire et l’expansion des renouvelables répondent à une augmentation attendue de la consommation électrique. Cette hausse est notamment portée par le développement des centres de données et des usines de semi-conducteurs, essentiels à l’ère de l’intelligence artificielle. Le Japon prévoit également de réduire sa dépendance aux importations de combustibles fossiles, qui pèsent lourdement sur sa balance commerciale.
Un levier pour atteindre la neutralité carbone
Le nucléaire est présenté comme un pilier de la stratégie de décarbonation. En 2020, les réacteurs nucléaires du pays ont permis de réduire les importations de gaz naturel liquéfié de 8 %, démontrant leur rôle dans la diminution des émissions et des coûts énergétiques. L’Agence internationale de l’énergie estime que, sans nucléaire, les émissions liées à la production électrique auraient été supérieures de 25 %.
Des obstacles persistants
Malgré ces efforts, le Japon peine à rattraper les retards accumulés. Les objectifs de 2030 pourraient être manqués, avec une part nucléaire estimée entre 11 et 15 %. De plus, l’entretien et la relance des centrales existantes nécessitent des investissements considérables, chiffrés entre 500 millions et 1 milliard de dollars par gigawatt pour une prolongation de dix ans. Ces coûts viennent s’ajouter aux dépenses liées au démantèlement des réacteurs les plus anciens, évaluées à 850 milliards de yens en 2020.
Vers un mix énergétique équilibré
Le Japon s’efforce de construire un équilibre entre énergie renouvelable et nucléaire, tout en réduisant la part des énergies fossiles à 30-40 % d’ici 2040. L’atteinte de cet équilibre repose sur une coordination stratégique entre objectifs environnementaux, sécurité énergétique et contraintes économiques. Si ces efforts sont couronnés de succès, ils pourraient servir de modèle pour d’autres pays en transition énergétique.
Un choix stratégique pour l’avenir
En réintégrant le nucléaire dans sa stratégie énergétique, le Japon fait un pari risqué mais potentiellement nécessaire pour concilier ses engagements climatiques et ses besoins croissants en électricité. Ce choix soulève des questions fondamentales : le pays parviendra-t-il à aligner ses ambitions avec les réalités techniques, financières et sociales ? Ces décisions détermineront non seulement l’avenir énergétique du Japon, mais aussi son rôle dans la lutte mondiale contre le changement climatique.