Les pays baltes coupent leur dépendance énergétique russe en avance

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Les pays baltes fuient le réseau électrique russe dès début 2025
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Les pays baltes s’apprêtent à franchir une étape historique dans leur quête d’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie accélèrent leur synchronisation avec le réseau électrique européen, désormais prévue pour début 2025 au lieu de fin 2025. Cette déconnexion du système BRELL (Biélorussie-Russie-Estonie-Lettonie-Lituanie) représente un tournant géopolitique majeur pour la sécurité énergétique de la région.


À retenir

  • Les pays baltes vont se déconnecter du réseau électrique russe BRELL dès début 2025, soit plusieurs mois avant la date initialement prévue
  • Cette synchronisation avec le réseau continental européen via la Pologne répond à des impératifs de sécurité nationale accrus depuis l’invasion de l’Ukraine
  • L’Union européenne soutient financièrement ce projet d’indépendance énergétique considéré comme stratégique
  • Le développement parallèle des énergies renouvelables et de nouvelles interconnexions renforce cette transition

Une accélération motivée par des impératifs de sécurité nationale

La dépendance énergétique des pays baltes envers la Russie, héritage de l’ère soviétique, constitue depuis longtemps une vulnérabilité stratégique majeure. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a catalysé la volonté politique d’accélérer la transition vers une indépendance totale.

Une dépendance historique au système BRELL

Depuis leur indépendance, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont restées connectées au réseau électrique russe via le système BRELL. Cette interconnexion maintient une forme de dépendance technique que les trois pays cherchent à éliminer depuis leur intégration à l’Union européenne et à l’OTAN.

Des risques géopolitiques devenus insupportables

Le contexte actuel de tensions avec la Russie et les potentielles menaces sur les infrastructures critiques ont convaincu les gestionnaires de réseau de transport baltes d’accélérer le calendrier. Des incidents comme celui du gazoduc Balticconnector en 2023 ont renforcé la perception d’une menace réelle sur la sécurité énergétique régionale.

Le défi technique majeur de la synchronisation avec l’Europe

La synchronisation des réseaux électriques baltes avec le réseau continental européen représente un défi technique considérable qui nécessite d’importants investissements en infrastructures.

Des infrastructures stratégiques en cours de déploiement

Au cœur de cette transition se trouve le projet Harmony Link, une interconnexion électrique sous-marine entre la Lituanie et la Pologne. Cette liaison de haute tension, financée en partie par l’Union européenne, constituera la principale artère de connexion entre les pays baltes et le reste du réseau européen.

Une batterie de tests pour garantir la stabilité du réseau

Les gestionnaires de réseau baltes (Elering en Estonie, AST en Lettonie et Litgrid en Lituanie) multiplient les tests pour garantir que la déconnexion du système BRELL se déroulera sans perturbation majeure. La stabilité de la fréquence et la gestion des pics de consommation représentent des défis techniques particulièrement surveillés.

Les trois pays ont déjà réalisé avec succès des tests d’isolation temporaire du réseau russe, validant ainsi leur capacité à fonctionner de manière autonome pendant des périodes limitées. Cette étape était cruciale avant d’envisager une déconnexion permanente.

Le soutien financier et technique de l’Union européenne

L’Union européenne joue un rôle central dans cette transition énergétique, tant sur le plan financier que technique.

Un projet d’intérêt commun largement subventionné

La synchronisation des réseaux baltes est classée comme Projet d’Intérêt Commun (PIC) par l’Union européenne. Ce statut lui permet de bénéficier d’un financement substantiel via le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE).

La commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, elle-même estonienne, a souligné à plusieurs reprises l’importance stratégique de ce projet pour la sécurité énergétique européenne. L’UE a déjà alloué plus de 720 millions d’euros pour soutenir les diverses phases de cette synchronisation.

Une coordination technique assurée par ENTSO-E

Le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ENTSO-E) supervise l’intégration technique des réseaux baltes. Cet organisme européen joue un rôle essentiel dans la définition des normes techniques et la coordination des tests nécessaires avant la synchronisation définitive.

Vers un avenir énergétique renouvelable et interconnecté

L’indépendance vis-à-vis du réseau russe s’accompagne d’un développement accéléré des énergies renouvelables dans la région baltique.

L’essor de l’éolien offshore en mer Baltique

Les trois pays baltes investissent massivement dans le développement de parcs éoliens offshore. La mer Baltique offre des conditions favorables avec des vents constants et des profondeurs adaptées à l’installation d’éoliennes.

Le projet Baltic WindConnector entre l’Estonie et la Lettonie illustre cette dynamique en combinant développement des énergies renouvelables et renforcement des interconnexions régionales.

La diversification des sources d’approvisionnement en gaz

Parallèlement à la transition électrique, les pays baltes ont considérablement réduit leur dépendance au gaz russe. Le terminal GNL de Klaipėda en Lituanie, opérationnel depuis 2014, a joué un rôle pionnier dans cette diversification.

L’interconnexion gazière GIPL (Gas Interconnection Poland-Lithuania) mise en service en 2022 a encore renforcé cette indépendance en reliant le réseau gazier des pays baltes à celui de l’Europe continentale via la Pologne.

Des défis de cybersécurité à anticiper

La protection des infrastructures énergétiques contre les cybermenaces reste une préoccupation majeure. Les gestionnaires de réseau baltes, en coopération avec l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), renforcent leurs protocoles de sécurité pour prévenir toute tentative de sabotage du processus de synchronisation.

Des exercices de simulation d’attaques sont régulièrement organisés pour tester la résilience des systèmes et la capacité de réponse des équipes techniques.

Cette transition énergétique historique des pays baltes illustre parfaitement comment des impératifs de sécurité nationale peuvent accélérer la transformation des infrastructures énergétiques. Au-delà de sa dimension technique, cette synchronisation avec le réseau européen représente pour l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie l’achèvement symbolique de leur intégration à l’Europe occidentale, trente ans après la fin de l’Union soviétique.