Le paysage énergétique et climatique des États-Unis est à un tournant décisif après la réélection de Donald Trump en novembre 2024. Les implications de cette victoire pour la politique environnementale, le développement des véhicules électriques (VE) et la transition énergétique sont vastes et complexes. Entre l’annonce d’un National Energy Council pour redéfinir les priorités énergétiques, la remise en question de l’Inflation Reduction Act (IRA) et l’influence grandissante d’acteurs comme Elon Musk, l’avenir de la stratégie énergétique américaine pourrait profondément changer.
Le National Energy Council : vers une domination énergétique américaine ?
Donald Trump a annoncé la création d’un National Energy Council chargé de superviser une stratégie globale de « domination énergétique ». Placé sous la direction de Doug Burgum, futur secrétaire à l’Intérieur, et de Chris Wright, désigné secrétaire à l’Énergie, ce conseil réunira des leaders de tous les départements fédéraux impliqués dans l’énergie, de la production à la distribution.
Parmi ses priorités figurent l’accélération des permis pour les projets énergétiques, le soutien aux exportations de gaz naturel liquéfié et le développement de sources d’énergie baseload comme le gaz naturel, le nucléaire et la géothermie. Cette initiative reflète la volonté de Trump de relancer les énergies fossiles, en opposition directe avec les objectifs climatiques de son prédécesseur, Joe Biden.
Des ambitions à court et long terme
Si l’objectif déclaré est de réduire les coûts pour les consommateurs, les experts pointent des priorités mal alignées. Costa Samaras, ancien conseiller en politique énergétique sous Biden, estime que l’augmentation de la capacité de transmission du réseau électrique serait une solution immédiate pour débloquer l’accès à des énergies propres en attente de raccordement.
Reste à savoir si ce conseil sera réellement influent ou s’il ne restera qu’un outil symbolique. L’efficacité de cette structure dépendra de la fréquence des réunions et des ressources allouées pour soutenir ses travaux.
Inflation Reduction Act : entre menaces et résistances
L’Inflation Reduction Act, votée en 2022, a catalysé un boom des investissements dans les énergies propres, notamment dans le secteur des VE. Avec 154 milliards de dollars d’investissements annoncés, dont 87 milliards dans des usines en construction, l’IRA a transformé l’industrie. Les crédits d’impôt pour les VE, pouvant atteindre 7 500 $, ont stimulé la production locale et favorisé l’adoption massive des véhicules électriques.
Trump a qualifié l’IRA de « Green New Scam » et promis de revenir sur les subventions accordées, bien que cela ne soit pas si simple. La majorité des fonds a déjà été attribuée, et leur retrait serait non seulement illégal, mais entraînerait aussi des batailles juridiques prolongées. De plus, des États républicains comme la Géorgie et la Caroline du Nord bénéficient largement de ces investissements, ce qui rend leur suppression politiquement délicate.
Un enjeu économique et industriel
De nombreux industriels, y compris Ford et General Motors, défendent les crédits d’impôt et les subventions qui soutiennent leurs investissements dans les VE. Ces entreprises, ainsi que des constructeurs étrangers comme BMW et Toyota, plaident pour une stabilité des politiques afin de sécuriser leurs projets. L’arrêt de l’IRA risquerait de ralentir le déploiement des infrastructures et d’augmenter les coûts pour les consommateurs.
Elon Musk et son influence grandissante
Le soutien explicite d’Elon Musk à Trump soulève des questions sur les motivations du milliardaire. Bien que Musk ait initialement soutenu les politiques climatiques de Biden, il a changé de cap, affirmant que la suppression des subventions pourrait avantager Tesla à long terme. Musk, dont les entreprises bénéficient de milliards en subventions et contrats publics, pourrait user de son influence pour façonner les priorités de la nouvelle administration, notamment en affaiblissant les régulations environnementales et syndicales.
En outre, Musk a récemment plaidé pour une réduction drastique des dépenses fédérales, ciblant des programmes essentiels à la transition énergétique. Sa position ambiguë, entre défense des énergies propres et rejet des politiques climatiques, reflète un intérêt principalement orienté vers ses propres bénéfices financiers.
L’avenir des véhicules électriques sous Trump
La réélection de Trump pourrait freiner l’essor des VE aux États-Unis, malgré une adoption record au troisième trimestre 2024 avec 346 309 ventes. Trump a critiqué les VE pour leur coût et leur autonomie, des arguments démentis par les progrès récents de l’industrie. Il a également affirmé que la transition vers les VE entraînerait des pertes massives d’emplois, ignorant les opportunités économiques générées par les investissements dans les usines et infrastructures.
Les politiques de Trump risquent également de renforcer la dépendance aux énergies fossiles, augmentant les émissions de carbone. Selon une analyse de CarbonBrief, ses plans pourraient ajouter quatre milliards de tonnes de CO₂ dans l’atmosphère d’ici 2030, compromettant les objectifs climatiques mondiaux.
Conclusion : un virage à hauts risques
Le retour de Trump à la Maison-Blanche représente un défi majeur pour la transition énergétique et climatique. Alors que le monde se tourne vers des solutions durables, les États-Unis risquent de prendre du retard, mettant en péril leur compétitivité industrielle et leur responsabilité environnementale. Cependant, l’opposition croissante des entreprises, des États et des citoyens pourrait freiner les ambitions de Trump, laissant une marge pour préserver les acquis de la transition énergétique.