Fin programmée de l’ARENH et nouveau cadre pour le nucléaire

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ARENH fin programmée et nouveau cadre pour le nucléaire
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La fin de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH) approche, avec sa disparition officielle le 31 décembre 2025, après quatorze ans d’existence. Ce mécanisme, qui obligeait EDF à vendre une part de sa production nucléaire à un prix fixe de 42 euros par MWh, cède la place à un nouveau cadre plus aligné sur les coûts réels du marché, via le Versement Nucléaire Universel (VNU) et un prix de référence à 70 euros par MWh dès 2026. Ce changement, officialisé par la Loi de Finances 2025, vise à sécuriser les investissements dans le nucléaire tout en protégeant les consommateurs contre la volatilité, mais il soulève des interrogations sur la compétitivité des industries françaises.

À retenir

  • L’ARENH, plafonné à 100 TWh par an, a atteint un taux d’allocation record de 74,12 % en 2025 avec 134,93 TWh demandés.
  • Le VNU remplace l’ARENH et fixe un prix de référence à 70 €/MWh pour 15 ans, avec redistribution des bénéfices excédentaires aux consommateurs.
  • Les CAPN offrent aux électro-intensifs un accès stable à la production nucléaire, avec cinq premiers contrats signés en 2024 pour viser 40 TWh à terme.
  • Les PME risquent une exposition accrue à la volatilité, sans accès direct aux CAPN réservés aux gros consommateurs.
  • La CRE recommande de sécuriser des tarifs sur 3 à 4 ans dès maintenant pour atténuer les risques.

La fin de l’ARENH : un ajustement pragmatique face aux réalités du marché

L’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique a incarné pendant une décennie et demie un pilier de la concurrence sur le marché français de l’électricité. Instauré en 2011 par la loi NOME, ce dispositif forçait EDF à partager les fruits de son parc nucléaire historique avec les fournisseurs alternatifs. Aujourd’hui, sa disparition programmée pour fin 2025 reflète une nécessaire adaptation aux pressions économiques et réglementaires.

Définition et objectifs du mécanisme

L’ARENH permettait aux fournisseurs alternatifs d’acheter jusqu’à 100 TWh par an de production nucléaire d’EDF à un prix fixe de 42 euros par MWh. Ce volume représentait environ 27,64 % de la production nucléaire française en 2024. L’objectif initial consistait à favoriser la concurrence et à transmettre aux consommateurs finaux les avantages compétitifs du nucléaire historique.

En pratique, ce système régulait l’accès à une source d’électricité bas-carbone à coût modéré. Les fournisseurs alternatifs, comme TotalEnergies ou Engie, pouvaient ainsi proposer des offres attractives sans dépendre entièrement des fluctuations du marché de gros. Cette régulation visait à démocratiser l’accès à l’énergie nucléaire, tout en maintenant EDF comme opérateur dominant.

Cependant, depuis la crise énergétique de 2022, ce prix fixe est apparu déconnecté des réalités. Les cours du marché de gros ont grimpé bien au-delà de 42 euros, rendant l’ARENH une aubaine pour les alternatifs mais un frein pour EDF.

Les causes de la disparition programmée

La fin de l’ARENH s’explique par un décalage croissant entre son prix régulé et les coûts réels de production. Estimés à 60-70 euros par MWh par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) pour la période 2026-2030, ces coûts justifient une révision. L’Union européenne a également critiqué ce mécanisme pour son impact sur la concurrence intra-communautaire.

EDF argue que les revenus de l’ARENH ne suffisent plus à financer la maintenance du parc existant ni les investissements dans les nouveaux réacteurs EPR2. En 2025, la demande a explosé à 134,93 TWh, forçant un écrêtement à 74,12 % du volume maximal. Les alternatifs ont dû se rabattre sur le marché de gros pour le reste, accentuant les tensions.

Politiquement, cet ajustement découle d’un accord entre l’État et EDF en novembre 2023, transposé dans la Loi de Finances 2025 en février dernier. Il marque la reconnaissance que le modèle initial, conçu en temps de stabilité, ne tient plus face aux enjeux de transition énergétique.

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Le nouveau cadre post-2025 : une stabilité conditionnée par des garde-fous

Dès le 1er janvier 2026, le Versement Nucléaire Universel (VNU) redéfinit les règles d’accès à l’électricité nucléaire, en alignant les prix sur les besoins d’investissement tout en intégrant des protections contre les chocs de marché. Ce dispositif, pilier d’un accord récent, promet une visibilité accrue pour EDF et les consommateurs. Pourtant, sa complexité impose une vigilance accrue aux acteurs du secteur.

Le VNU et le prix de référence : un socle plus réaliste

Le VNU remplace directement l’ARENH en imposant à EDF une taxe progressive sur ses revenus excédentaires issus des prix de marché. Le prix de référence s’établit à 70 euros par MWh pour une durée de 15 ans, soit une hausse de 28 euros par rapport à l’ancien tarif. Ce niveau reflète mieux le coût de production nucléaire, selon les estimations de la CRE.

Ce prix fixe sert de base pour les contrats d’approvisionnement, permettant aux fournisseurs de proposer des offres stables aux clients finaux. Contrairement à l’ARENH, le VNU intègre une dimension redistributive : les bénéfices d’EDF au-delà de seuils sont reversés aux consommateurs via des déductions sur factures. Cela vise à atténuer l’impact des hausses pour les ménages et les entreprises.

Pour EDF, ce cadre sécurise les flux financiers nécessaires aux EPR2, ces réacteurs de nouvelle génération prévus pour renforcer la capacité nucléaire française. Les experts soulignent que sans cette révision, les investissements dans la décarbonation auraient été compromis.

Mécanismes de protection contre la volatilité

Le Contrat pour Différence (CfD) complète le VNU en assurant une protection bilatérale. Lorsque les prix de marché dépassent 78-80 euros par MWh, 50 % des surprofits sont collectés ; au-delà de 110 euros, ce taux grimpe à 90 %. Ces fonds alimentent une redistribution aux consommateurs, évitant une flambée des factures.

Inversement, si les prix tombent en dessous du seuil, l’État compense EDF pour maintenir sa rentabilité. Ce mécanisme, inspiré des modèles britanniques, vise à découpler l’électricité nucléaire des soubresauts conjoncturels. La CRE estime que cela stabilisera les coûts pour les industries, favorisant ainsi leur transition vers des processus bas-carbone.

Ces garde-fous, bien que complexes, représentent un progrès par rapport au marché spot pur. Ils encouragent une stratégie d’achat proactive, où les entreprises anticipent les fluctuations plutôt que de les subir.

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Opportunités stratégiques : vers une autonomie renforcée pour les industries

La réforme post-ARENH ouvre des voies pour que les entreprises françaises sécurisent leur approvisionnement en électricité bas-carbone, alignant compétitivité et décarbonation. L’Union des Industries pour l’Énergie (Uniden) accueille favorablement ces changements, qui incitent à une gestion proactive des coûts énergétiques. Dans ce contexte, des outils comme les CAPN et les PPA émergent comme des leviers essentiels.

Les CAPN : un accès direct pour les électro-intensifs

Les Contrats d’Allocation de Production Nucléaire (CAPN) ciblent les entreprises électro-intensives (EGA), celles consommant plus de 7 GWh par an. Ils garantissent un accès à une quote-part de la production nucléaire à prix stable sur 10 à 15 ans. En échange, les signataires partagent les risques d’exploitation et les coûts de maintenance du parc EDF.

Cinq premiers CAPN ont été signés à l’automne 2024, dont celui avec ArcelorMittal, pour un objectif initial de 10 TWh annuels, extensible à 40 TWh. Ces contrats, réservés aux gros consommateurs comme l’acier ou la chimie, préservent leur compétitivité face à des concurrents européens. L’Uniden y voit un accélérateur de la décarbonation industrielle.

Par cette mutualisation des risques, les CAPN transforment les entreprises en partenaires stratégiques d’EDF, favorisant une production nucléaire durable. Cela contraste avec l’ARENH, qui offrait un accès passif sans engagement réciproque.

Les PPA et l’autoconsommation : des compléments vers l’indépendance

Les Power Purchase Agreements (PPA) permettent aux entreprises de verrouiller des approvisionnements sur 3 à 5 ans à prix fixe, évitant les pics du marché de gros. Encouragés par le nouveau cadre, ces contrats bilatéraux incluent souvent de l’électricité renouvelable, comme le photovoltaïque. Ils s’adressent à un spectre plus large d’entreprises, y compris les non-électro-intensifs.

L’autoconsommation photovoltaïque gagne en attractivité avec la hausse des prix : ombrières sur parkings ou installations mutualisées réduisent la dépendance au réseau. Ces solutions, combinées à une gestion intelligente de l’énergie, abaissent le coût du kWh et boostent l’efficacité. Pour les industries, investir dans ces technologies signifie une autonomie accrue face à la volatilité.

La CRE note que ces approches proactives, comme les stratégies d’achat diversifiées, préparent les entreprises à une transition énergétique résiliente. Elles alignent économie et sobriété, en limitant les émissions de CO2 via une production locale propre.

Défis persistants : équilibrer protection et compétitivité

Malgré les avancées, la fin de l’ARENH et l’avènement du VNU exposent des failles, notamment pour les petites structures et en termes de visibilité budgétaire. Des fédérations comme France Chimie ou A3M alertent sur les risques d’une indexation persistante aux marchés. Ce verdict appelle à une lucidité sur les angles morts, pour que la transition ne sacrifie pas l’emploi industriel.

Perte de visibilité et imprévisibilité des coûts

Le nouveau système, bien que protecteur, reste indexé en partie sur les prix de marché, rendant les factures plus variables. Les fournisseurs alternatifs, contraints d’acheter plus cher, pourraient répercuter ces hausses sur les offres professionnelles. France Ciment exprime des craintes pour la compétitivité à l’export, face à des énergies moins chères ailleurs en Europe.

La volatilité, atténuée mais non éliminée, complique les plans à long terme. La CRE conseille aux entreprises de négocier des tarifs fixes sur 3 à 4 ans dès à présent, pour pallier ce manque de prévisibilité. Sans cela, les chocs conjoncturels pourraient éroder les marges des secteurs énergivores.

Le sort des PME, ETI et la vigilance concurrentielle

Les PME et ETI, exclues des CAPN faute de consommation minimale, dépendent de la redistribution indirecte du VNU via leurs fournisseurs. Cela les expose davantage aux hausses, sans les bénéfices d’un accès direct. L’Autorité de la Concurrence (ADLC) insiste sur la transparence dans l’attribution des CAPN pour éviter toute discrimination.

Pour ces entreprises de taille intermédiaire, les PPA ou l’autoconsommation photovoltaïque représentent des options viables, mais coûteuses à mettre en œuvre. La CRE et l’ADLC surveillent le marché pour garantir une concurrence loyale, évitant qu’EDF ne monopolise les flux nucléaires. Ces garde-fous soulignent l’enjeu : une transition équitable qui ne creuse pas les inégalités entre acteurs.

En somme, cette controverse révèle la tension entre urgence climatique et impératif économique. Les industries doivent adopter une adaptabilité pragmatique, en diversifiant leurs sources, pour transformer les risques en opportunités durables.

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