Face à la montée en puissance des énergies renouvelables et à l’électrification croissante des usages, l’Union européenne (UE) accélère la modernisation de ses réseaux électriques. Le cadre politique récemment établi, notamment à travers le Plan d’action pour les réseaux de 2023 et la révision du design du marché de l’électricité, vise à lever les principaux obstacles liés à la congestion, à la limitation des renouvelables et aux délais de raccordement. Mais la mise en œuvre de ces mesures reste cruciale pour atteindre les objectifs fixés.
Les actions de la Commission européenne
Un rôle central mais des échéances floues
La Commission européenne est au cœur de l’exécution des actions du cadre politique. Chargée de nombreuses mesures, elle se concentre sur le développement des infrastructures, l’engagement des parties prenantes et la coordination interinstitutionnelle. Si certains objectifs, notamment ceux du Plan d’action pour les réseaux, sont assortis de délais précis, de nombreuses actions restent sans échéances claires. Cette absence de calendrier précis fait peser un risque de retard dans la mise en œuvre.
Recommandation : création d’une task force « Future Grids »
Pour surmonter ce défi, il est proposé de créer une task force « Future Grids » au sein de la Commission. Cette entité aurait pour mission de :
- Élaborer une feuille de route pour l’exécution de toutes les actions identifiées.
- Coordonner les actions entre les différentes directions générales, notamment DG GROW.
- Faciliter la coopération régionale et soutenir les grands projets d’infrastructure.
- Superviser l’application des réformes nationales en matière de réseaux.
- Assurer un suivi régulier des progrès, avec des rapports annuels au Forum d’infrastructure de Copenhague.
Le rôle des autres institutions européennes
Des objectifs ciblés mais des responsabilités partagées
Le cadre politique ne se limite pas à la Commission. Des entités telles que l’ENTSO-E (réseaux de transport), l’ACER (régulation de l’énergie) et l’entité des DSOs (opérateurs de distribution) jouent également un rôle clé. Ces institutions doivent publier des recherches, proposer des bonnes pratiques et favoriser la standardisation des réseaux. Certaines actions ont déjà été menées à bien, comme les bonnes pratiques pour les plans de développement des réseaux de distribution.
Les actions au niveau des États membres
Des réformes nationales indispensables
Bien que le Plan d’action pour les réseaux se concentre sur les mesures au niveau de l’UE, l’implication des États membres est essentielle. Les régulateurs nationaux et les opérateurs de réseau doivent appliquer les réformes issues de la révision du design du marché de l’électricité et de la directive sur les énergies renouvelables. Ces mesures visent à réduire les goulets d’étranglement et à simplifier les processus de raccordement des producteurs d’énergie renouvelable.
Recommandations pour le prochain commissaire européen à l’énergie
1. Créer une task force « Future Grids »
La mise en place d’une task force « Future Grids » au sein de la Commission serait un levier stratégique pour assurer la mise en œuvre efficace du cadre politique. En centralisant la supervision et la coordination des actions, cette entité garantirait la cohérence des efforts entre les différentes directions générales et avec les institutions extérieures. Son rôle serait d’accélérer l’exécution des mesures, de faciliter les grands projets d’infrastructure et de coordonner les financements avec des entités telles que la Banque européenne d’investissement (BEI).
2. Mettre en place un guichet unique pour les financements
La complexité administrative limite l’accès aux financements européens pour de nombreux opérateurs de réseaux de distribution (DSO) et petites parties prenantes. Pour remédier à cela, il est recommandé de créer un guichet unique au niveau de l’UE. Ce guichet simplifierait l’accès aux financements, faciliterait les liens entre opérateurs et institutions financières (BEI, BERD) et soutiendrait l’identification de nouveaux outils de financement. De cette manière, les opportunités de financement seraient mieux exploitées, optimisant les investissements dans les infrastructures de réseau.
3. Élaborer une boîte à outils technique pour la numérisation des réseaux
Avec 70 % des futures installations de production et de stockage d’énergie connectées au réseau de distribution, la numérisation des réseaux est cruciale. Cette transformation, qui vise à intégrer les technologies numériques pour optimiser l’exploitation des réseaux, est freinée par des infrastructures obsolètes et des problèmes d’interopérabilité. La diversité des opérateurs de distribution au sein de l’UE complique également la standardisation des solutions.
Pour relever ce défi, une double approche est recommandée :
- Financement de projets pilotes locaux : Des projets pilotes locaux de numérisation des réseaux permettraient aux DSOs d’expérimenter des solutions adaptées aux spécificités locales. Cette phase d’expérimentation permettrait d’identifier les obstacles techniques, organisationnels et économiques.
- Création d’une boîte à outils technique : Issue des enseignements des projets pilotes, cette boîte à outils fournirait aux DSOs des pratiques exemplaires, des technologies d’interopérabilité et des lignes directrices de standardisation. Cette démarche permettrait de déployer des solutions adaptées aux besoins locaux tout en assurant une harmonisation à l’échelle de l’UE.
Conclusion
Le nouveau cadre politique de l’UE pour les réseaux électriques fixe des objectifs ambitieux de modernisation et de numérisation. La réussite de ce projet dépendra toutefois de la capacité de la Commission européenne et des États membres à coordonner leurs actions et à surmonter les obstacles administratifs et techniques. Les recommandations visant à créer une task force « Future Grids », à instaurer un guichet unique pour les financements et à développer une boîte à outils technique pourraient jouer un rôle déterminant pour assurer le succès de cette transformation essentielle à la transition énergétique européenne.