La demande en électricité en Europe est sur le point de connaître une augmentation spectaculaire, principalement en raison de l’expansion des centres de données et de l’accélération de l’électrification. D’ici 2033, cette demande pourrait croître de 40 % à 50 %, selon Goldman Sachs Research, une évolution qui met les infrastructures énergétiques du continent sous une pression immense. Actuellement, environ 15 % des centres de données mondiaux sont implantés en Europe, et d’ici 2030, leurs besoins énergétiques devraient égaler la consommation actuelle de pays entiers comme le Portugal, la Grèce et les Pays-Bas réunis.
Des besoins croissants en électricité dans des régions spécifiques
La montée en puissance des centres de données touchera deux types de pays européens. D’une part, les nations disposant d’une énergie abondante et bon marché grâce au nucléaire, à l’hydroélectricité, ou aux sources renouvelables, comme les pays nordiques, la France et l’Espagne. Ces régions attireront une part importante des nouvelles installations grâce à leur accès à une énergie plus verte et stable. D’autre part, des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Irlande, qui disposent de grandes entreprises technologiques et financières, continueront d’attirer des centres de données grâce à des politiques fiscales avantageuses et des incitations économiques, malgré des défis énergétiques plus marqués.
Un réseau électrique vieillissant à moderniser
L’Europe possède l’un des réseaux électriques les plus anciens au monde, ce qui complique la tâche de soutenir cette demande croissante. Les analystes estiment qu’il faudra près de 1 650 milliards d’euros d’investissements d’ici 2033 pour moderniser et renforcer l’infrastructure. Cela comprend environ 800 milliards d’euros pour améliorer la transmission et la distribution d’électricité, et un montant similaire, soit 850 milliards d’euros, pour développer les énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien terrestre, et l’éolien offshore. Cependant, la lenteur des projets d’infrastructure électrique, avec des délais de développement pouvant atteindre sept à dix ans, crée un écart considérable par rapport au rythme effréné des constructions de centres de données.
Le rôle des centres de données dans la transition énergétique
Les centres de données devraient représenter une part croissante de la demande énergétique en Europe. À l’échelle mondiale, ces installations pourraient consommer 9 % de la production électrique totale d’ici 2030, soit le double de leur consommation actuelle. Cette croissance est alimentée par l’essor des technologies d’intelligence artificielle (IA) et la numérisation accélérée. Cependant, atteindre les objectifs de durabilité sera un défi majeur. Le suivi de l’empreinte carbone des centres de données est compliqué par la gestion des réseaux synchronisés à grande échelle, ce qui complique l’atteinte des engagements climatiques des grandes entreprises technologiques.
Des opportunités pour des investissements stratégiques
Face à ces défis, des opportunités majeures émergent pour les investisseurs et les acteurs de l’énergie. Le développement de marchés secondaires dotés d’une énergie bon marché devient de plus en plus stratégique. Des régions comme l’Espagne ou les pays nordiques, qui possèdent un accès facile aux ressources renouvelables, se révèlent particulièrement attrayantes. Par exemple, les investissements dans la transmission et la distribution (T&D) sont devenus essentiels, avec une attention croissante des compagnies d’électricité : en 2023, 21 fournisseurs de services publics ont mentionné les centres de données dans leurs appels de résultats du quatrième trimestre, contre seulement trois en 2021.
De plus, le développement de solutions « behind-the-meter », permettant de générer de l’énergie localement et de manière indépendante, constitue une piste prometteuse pour surmonter les contraintes des infrastructures de transmission. Avec 400 térawattheures de consommation électrique supplémentaire projetés entre 2024 et 2030, le secteur doit également faire face à un manque de main-d’œuvre qualifiée, avec un déficit potentiel de 400 000 travailleurs spécialisés aux États-Unis et des tensions similaires en Europe.
Un secteur à surveiller de près
Alors que la numérisation et l’IA continuent de redéfinir les besoins en énergie, le secteur des centres de données est à un tournant critique. Les investissements dans les infrastructures énergétiques doivent non seulement garantir l’accès à l’énergie mais aussi accélérer la transition vers des sources d’énergie plus propres. L’Europe doit investir de manière stratégique pour équilibrer la croissance de la demande avec ses objectifs de décarbonation, tout en assurant une fiabilité énergétique. Pour les investisseurs, ce marché offre des perspectives prometteuses, avec la possibilité de jouer un rôle clé dans l’évolution du paysage énergétique européen.