Pour la cinquième année consécutive, Amazon confirme son statut de premier acheteur mondial d’énergies renouvelables, avec un portefeuille de 33 gigawatts (GW) de capacité installée – soit assez pour alimenter 24,6 millions de foyers européens. Une performance qui dépasse de 10 GW celle de son concurrent direct, Apple, et qui s’inscrit dans une stratégie agressive de décarbonisation accélérée, avec sept ans d’avance sur ses objectifs initiaux. Derrière ces chiffres, une méthode ciblée : le carbon matching, qui vise à remplacer les énergies fossiles là où leur empreinte est la plus lourde.
À retenir
- Amazon reste le premier acheteur corporatif d’énergies renouvelables au monde pour la 5ᵉ année consécutive, avec 33 GW de capacité installée en 2024.
- L’entreprise a atteint 100 % d’électricité renouvelable pour ses opérations mondiales (centres de données, entrepôts, bureaux) sept ans avant l’échéance prévue (2030).
- Sa stratégie de carbon matching cible les régions les plus dépendantes aux énergies fossiles, comme l’Inde, l’Afrique du Sud ou les États-Unis (Louisiane, Mississippi), pour un impact jusqu’à 55 fois supérieur.
- En Europe, Amazon a ajouté 46 nouveaux projets en 2024, portant sa capacité continentale à 9 GW – de quoi alimenter 6,7 millions de foyers.
- Les investissements depuis 2014 ont généré 12 milliards de dollars d’apports locaux et 39 000 emplois, tout en soutenant des technologies comme le stockage par batteries (2,7 GW) ou l’énergie nucléaire.
La transition énergétique des géants technologiques n’est plus une option, mais une nécessité opérationnelle et stratégique. Amazon en fait la démonstration en combinant échelle industrielle, précision géographique et diversification technologique. Son approche, validée par des acteurs comme Bloomberg NEF, montre comment un acteur privé peut accélérer la décarbonisation des réseaux électriques tout en sécurisant son approvisionnement. Pour les entreprises et les États, ces choix posent une question centrale : comment concilier sobriété, efficacité économique et impact climatique maximal ? Les réponses d’Amazon – du carbon matching aux partenariats locaux – offrent des pistes concrètes, alors que l’Union européenne et la France cherchent encore à stabiliser leurs mix énergétiques.
Un leadership confirmé par les chiffres et une avance stratégique
33 GW de capacité : une marge inédite sur la concurrence
Avec plus de 600 projets éoliens et solaires répartis dans 28 pays, Amazon a construit un portefeuille énergétique sans équivalent. 33 GW de capacité installée – soit l’équivalent de 24 centrales nucléaires de type EPR – placent l’entreprise loin devant ses concurrents. Pour comparaison, Apple, deuxième acheteur mondial, affiche une capacité de 23 GW, tandis que Meta (ex-Facebook) et Google se situent autour de 15 GW. Cette avance se traduit par un impact tangible : en 2024, les projets soutenus par Amazon ont évité l’émission de plus de 40 millions de tonnes de CO₂, selon les estimations de Bloomberg NEF.
Cette performance repose sur une dynamique d’investissement soutenue : 100 nouveaux projets ont été lancés en 2024, portant le total à 600 depuis 2014. Parmi eux, des fermes solaires et éoliennes de grande envergure (utility-scale), mais aussi des installations sur site (on-site solar), comme les panneaux photovoltaïques déployés sur les toits de ses entrepôts en Allemagne, France ou République tchèque. L’objectif est double : réduire la dépendance aux énergies fossiles tout en maîtrisant les coûts, dans un contexte de volatilité des prix de l’électricité.
100 % d’électricité renouvelable : un cap franchi avec sept ans d’avance
Initialement fixé à 2030, l’objectif d’alimenter 100 % des opérations mondiales d’Amazon avec des énergies renouvelables a été atteint dès 2024. Cela inclut ses 200 centres de données (AWS), ses 1 500 entrepôts logistiques (fulfillment centers), ainsi que ses bureaux corporatifs.
Atteindre cet objectif aussi tôt prouve que la transition énergétique peut rimer avec performance économique.
Kara Hurst, directrice du développement durable chez Amazon, communiqué de janvier 2025.
Cette accélération s’explique par une stratégie d’achats groupés (power purchase agreements, ou PPA) et une priorisation des régions à fort potentiel. Par exemple, en Espagne, Amazon a signé en 2024 des contrats pour 15 nouveaux parcs solaires et éoliens, portant sa capacité locale à 1,5 GW – assez pour couvrir 30 % de la consommation électrique du pays. En Grèce, où le mix énergétique repose encore à 60 % sur le charbon, trois fermes solaires ont été mises en service, contribuant à réduire la dépendance aux importations de gaz russe.

Le carbon matching : une méthode pour maximiser l’impact climatique
Cibler les réseaux électriques les plus polluants
Contrairement à une approche purement quantitative, Amazon applique une logique de carbon matching : ses investissements se concentrent dans les zones où les réseaux électriques sont les plus carbonés. Selon une étude interne citée par Patrick Leonard, directeur de la stratégie énergétique chez AWS, un projet renouvelable en Inde ou en Pologne peut avoir un impact 55 fois supérieur à un projet similaire en Suède, où l’électricité est déjà largement décarbonée.
- En Inde : 9 parcs éoliens et solaires, dont certains dans des États encore dépendants du charbon comme le Rajasthan.
- En Afrique du Sud : un projet solaire pionnier, permettant pour la première fois à des petits consommateurs d’acheter de l’électricité renouvelable via un modèle de wheelings (partage de réseau).
- Aux États-Unis : des fermes solaires en Louisiane et Mississippi, deux États où le mix électrique repose à plus de 60 % sur le gaz et le charbon.
- En Europe de l’Est : des projets en Pologne (où le charbon représente encore 70 % du mix) et en Grèce.
Collaborer avec les gouvernements pour accélérer les politiques vertes
Au-delà des investissements directs, Amazon joue un rôle de catalyseur politique. En Inde, l’entreprise a travaillé avec les autorités locales pour simplifier les procédures d’implantation des parcs solaires, réduisant les délais de 24 à 12 mois. En Afrique du Sud, où les coupures de courant (load shedding) sont fréquentes, ses projets contribuent à stabiliser le réseau tout en créant des emplois locaux.
Nous ne nous contentons pas d’acheter de l’électricité verte : nous voulons transformer les réseaux en profondeur.
Patrick Leonard, directeur de la stratégie énergétique chez AWS, conférence 2024.
Cette approche s’accompagne d’un plaidoyer actif pour des politiques favorisant les énergies bas-carbone. En Europe, Amazon a soutenu la réforme du marché de l’électricité (adoptée en 2023) en militant pour des contrats longs termes (PPA) plus accessibles. En France, l’entreprise collabore avec EDF Renouvelables pour développer des projets solaires flottants sur d’anciennes carrières, une première en Europe.
Diversification technologique : au-delà de l’éolien et du solaire
Le stockage et l’IA pour gérer l’intermittence
L’un des défis majeurs des énergies renouvelables reste leur intermittence. Pour y répondre, Amazon a investi dans 2,7 GW de capacités de stockage, via des batteries lithium-ion et des systèmes de gestion intelligente. Par exemple, le projet Baldy Mesa en Californie associe une ferme solaire de 200 MW à un système de stockage de 150 MW, optimisé par des algorithmes d’apprentissage automatique développés par AWS.
Ces technologies permettent de lisser la production et de réduire les coûts en évitant les pics de demande. En Australie, Amazon a signé un accord avec Neoen pour un mégabatterie de 300 MW, capable de stocker assez d’énergie pour alimenter 225 000 foyers pendant une heure. L’objectif est clair : rendre les renouvelables aussi fiables que les énergies fossiles, sans recourir à des centrales à gaz de secours.

L’énergie nucléaire et les technologies bas-carbone
Si l’éolien et le solaire dominent son portefeuille, Amazon explore aussi d’autres voies pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2040 (via The Climate Pledge). En 2024, l’entreprise a signé quatre accords d’approvisionnement en énergie nucléaire, notamment en Pennsylvanie et dans l’État de Washington. Ces contrats portent sur des petits réacteurs modulaires (SMR), une technologie en développement qui pourrait compléter les renouvelables dans les régions où le solaire et l’éolien sont moins compétitifs.
Parallèlement, Amazon teste des solutions de géothermie en Islande et de biogaz en Allemagne, tout en finançant des startups spécialisées dans l’hydrogène vert.
La transition énergétique ne sera pas une révolution, mais une mosaïque de solutions adaptées à chaque territoire.
Kara Hurst, COP28 (2023).
Retombées économiques : emplois, investissements et indépendance énergétique
12 milliards de dollars injectés dans les territoires depuis 2014
Les projets d’Amazon ne se limitent pas à la décarbonisation : ils génèrent aussi une activité économique locale. Entre 2014 et 2024, ses investissements dans les énergies renouvelables ont mobilisé plus de 12 milliards de dollars, dont une partie a été réinvestie dans des infrastructures communautaires (écoles, routes, réseaux électriques). En Espagne, les 15 parcs solaires lancés en 2024 ont créé 1 200 emplois directs et 3 000 emplois indirects (maintenance, logistique).
En Grèce, où le chômage des jeunes dépasse 20 %, les trois fermes solaires d’Amazon ont permis la formation de 500 techniciens spécialisés dans les énergies vertes. Ces compétences sont désormais exportées vers d’autres pays européens, comme l’Italie ou la Roumanie.
En Europe, une capacité de 9 GW pour 6,7 millions de foyers
L’Europe est un terrain clé pour Amazon, qui y a déployé 230 projets (dont 46 rien qu’en 2024). Avec une capacité totale de 9 GW, l’entreprise couvre désormais 10 % de la consommation électrique renouvelable du continent. Parmi les réalisations marquantes :
- En Espagne : 1,5 GW de nouveaux projets, dont une ferme solaire de 500 MW en Andalousie.
- En Italie : 4 parcs solaires en Sicile, une région où le soleil est abondant mais le réseau vieillissant.
- En Finlande : 2 fermes éoliennes pour compenser l’hiver rigoureux et la faible production solaire.
- En France : des installations solaires sur site pour ses entrepôts de Lauwin-Planque (Nord) et Montélimar.
Ces projets s’inscrivent dans une logique d’indépendance énergétique, cruciale alors que l’UE cherche à réduire sa dépendance au gaz russe. En Pologne, où Amazon a lancé son premier parc éolien en 2023, la part du charbon dans le mix électrique est passée de 75 % à 70 % en un an – une baisse attribuable, en partie, aux investissements privés dans les renouvelables.
Un modèle reproductible ? Les limites et les critiques
Malgré ces succès, le modèle d’Amazon suscite des questions. Certains experts, comme ceux du Réseau Action Climat, soulignent que les PPA (contrats d’achat d’électricité) ne garantissent pas toujours une additionnalité réelle : certains projets auraient vu le jour même sans l’intervention du géant américain. Par ailleurs, l’entreprise reste dépendante des subventions publiques dans plusieurs pays, comme en Inde où les tarifs de rachat de l’électricité solaire sont partiellement financés par l’État.
Autre point de tension : l’empreinte carbone résiduelle. Si Amazon a décarboné son électricité, ses émissions scope 3 (liées à la logistique et à la fabrication des produits vendus) continuent de croître, atteignant 71,5 millions de tonnes de CO₂ en 2023 – une hausse de 4 % par rapport à 2022.
Décarboner ses data centers est une chose. Réduire l’impact de millions de colis livrés en 24 heures en est une autre.
Rapport de l’ONG Stand.earth, novembre 2024.
Enfin, la durabilité des batteries pose question. Les systèmes de stockage comme celui de Baldy Mesa reposent sur du lithium, dont l’extraction est souvent associée à des violations des droits humains (notamment en Amérique du Sud). Amazon a annoncé un partenariat avec des fournisseurs certifiés responsables, mais l’opacité de la chaîne d’approvisionnement reste un défi.










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