Le concept d’une énergie « 100 % propre » pourrait bientôt changer. Actuellement, les entreprises qui prétendent fonctionner uniquement à partir d’énergies renouvelables utilisent un système appelé « compensation annuelle », qui permet de compenser l’utilisation d’électricité d’origine fossile sur une année en achetant des certificats d’énergie renouvelable (RECs). Cependant, ce système pourrait laisser place à une approche plus stricte : la « compensation horaire ». Cette nouvelle norme vise à encourager l’utilisation d’électricité propre produite à proximité et au moment même de sa consommation. Cela pourrait transformer le marché de l’électricité verte et entraîner des changements significatifs pour les producteurs et les consommateurs d’énergie.
La fin annoncée du système de compensation annuelle
Traditionnellement, les entreprises utilisent les RECs pour équilibrer leur consommation d’énergie sur une base annuelle. Par exemple, une entreprise basée à New York peut alimenter son centre de données avec du gaz naturel la nuit et compenser cette consommation d’énergie fossile en achetant des certificats provenant d’une ferme solaire en Californie. Tant que la production et l’achat d’énergie renouvelable se font au cours de la même année, l’entreprise peut se vanter d’être alimentée en « 100 % d’énergie propre ». Ce système, appelé « compensation annuelle », ne tient pas compte de l’heure ou du lieu exacts de la production d’énergie.
Cependant, ce modèle est critiqué pour son manque de transparence et son efficacité limitée. À l’époque où les énergies renouvelables étaient plus coûteuses que les combustibles fossiles, les RECs servaient à compenser la différence de coût, encourageant ainsi le développement de nouvelles installations solaires et éoliennes. Aujourd’hui, ces sources d’énergie sont souvent les moins chères sur le marché, et le système de compensation annuelle ne remplit plus son objectif d’incitation à la création de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable.
La transition vers la compensation horaire : un changement majeur
Pour répondre à ces critiques, le ministère américain des Finances a annoncé en décembre que, pour bénéficier des crédits d’impôt les plus avantageux pour la production d’hydrogène vert, l’électricité utilisée devra provenir d’une source sans carbone, produite au cours de la même heure et à proximité. Cette nouvelle exigence, qui sera en vigueur à partir de 2028, pourrait obliger les producteurs d’énergie et les consommateurs à adopter de nouveaux systèmes de suivi de l’énergie propre, jetant ainsi les bases d’un marché de l’électricité 24/7 véritablement propre, bien au-delà du secteur de l’hydrogène.
La compensation horaire pourrait également encourager l’investissement dans des technologies telles que le stockage par batterie ou les sources de production renouvelable flexibles, afin de garantir la disponibilité de l’énergie propre à tout moment. Granular Energy, une start-up européenne, développe par exemple des logiciels qui permettent aux fournisseurs d’énergie de savoir où et quand l’énergie renouvelable est la plus nécessaire, favorisant ainsi l’adoption d’une approche plus précise de gestion de l’énergie.
Les défis et les résistances à la compensation horaire
Malgré les avantages potentiels, la transition vers la compensation horaire suscite des inquiétudes parmi certains acteurs du secteur de l’énergie et de l’hydrogène. De nombreux fournisseurs d’énergie ne disposent pas des systèmes de suivi nécessaires pour garantir une compensation à l’heure près, et les coûts associés à la mise en place de ces nouveaux systèmes peuvent être élevés. Selon l’American Clean Power Association, le passage à la compensation horaire pourrait entraîner une augmentation des prix de l’hydrogène vert de 20 à 150 %, car les électrolyseurs, qui produisent l’hydrogène à partir de l’électricité, ne pourraient fonctionner que lorsque l’électricité propre est disponible.
En outre, certains fournisseurs d’énergie et registres de crédits d’énergie renouvelable, dont sept sur dix aux États-Unis, ne fournissent pas de données horaires sur l’électricité produite. Cependant, trois registres importants – l’opérateur de réseau PJM, le Midwest Renewable Energy Tracking System et le North American Renewables Registry – offrent déjà ces informations. Des entreprises comme LevelTen Energy travaillent à la création d’un marché pour la gestion et la vente de certificats d’énergie renouvelable à compensation horaire, avec l’objectif de généraliser cette pratique à l’échelle nationale.
Vers un marché de l’électricité propre 24/7
La compensation horaire pourrait stimuler le développement de nouvelles technologies d’électrolyseur et renforcer le leadership des États-Unis dans la production d’hydrogène vert. Plusieurs entreprises, y compris les plus grands producteurs mondiaux d’hydrogène, soutiennent cette transition, estimant qu’elle pourrait encourager l’innovation dans le secteur. Les nouvelles règles fiscales pour l’hydrogène visent également à accélérer l’adoption d’un marché de l’électricité propre en continu, en incitant les systèmes de suivi à adopter la compensation horaire d’ici 2028.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral américain s’est engagé à alimenter ses installations avec de l’électricité issue de sources sans carbone, dont au moins 50 % seront compensées à l’heure près d’ici 2030. Bien que la mise en place de ce système puisse rencontrer des obstacles logistiques et entraîner des retards, les experts estiment que cela reste réalisable.
Conclusion : un tournant pour la transition énergétique
La mise en œuvre de la compensation horaire pourrait marquer un tournant dans la transition vers une énergie véritablement propre et continue aux États-Unis. Si ce nouveau modèle s’impose, il pourrait transformer la manière dont l’électricité renouvelable est produite, suivie et consommée, tout en répondant aux enjeux climatiques liés à la croissance de l’hydrogène vert. Les mois à venir seront cruciaux, avec des débats publics et des ajustements réglementaires qui détermineront si ce modèle pourra être adopté à grande échelle d’ici 2028.