L’Italie vient de frapper un grand coup dans la course à l’électrification du parc automobile. Avec des citadines électriques proposées à moins de 5 000 €, le pays pulvérise les tarifs pratiqués en Europe, relançant le débat sur les inégalités d’accès à la mobilité verte. Alors que la France peine à relancer son marché, Rome mise sur un plan d’incitation massif pour rattraper son retard, au risque d’accentuer les tensions au sein de l’Union européenne.
À retenir
- Des citadines électriques à 3 900 € en Italie, soit 4 fois moins cher qu’en France pour les mêmes modèles.
- Un budget de 600 millions d’euros débloqué par Rome, avec des primes allant jusqu’à 11 000 € pour les ménages modestes.
- L’Italie, à la traîne avec 5,2 % de parts de marché pour l’électrique (contre 16 % en moyenne dans l’UE), tente un rattrapage express.
- La Dacia Spring et la Leapmotor T03, produites en Chine et exclues du bonus écologique français, deviennent des symboles des disparités européennes.
- Le dispositif italien impose la mise à la casse d’un véhicule de plus de 10 ans, ciblant les anciens modèles thermiques.
- L’idée d’une harmonisation européenne des aides, portée par l’ancien chancelier allemand Olaf Scholz, refait surface.
L’Italie joue la carte du choc tarifaire pour accélérer sa transition électrique. Alors que les ventes de voitures électriques marquent le pas en Europe, Rome mise sur un coup de pouce financier sans précédent, combinant subventions massives et modèles low-cost importés de Chine. L’objectif est double : doper les immatriculations et éliminer les véhicules les plus polluants, tout en interrogeant la pérennité d’un système où chaque pays fixe ses propres règles. Pour les consommateurs français, la comparaison est amère : des modèles identiques coûtent quatre fois plus cher de l’autre côté des Alpes.
L’exploit italien : des citadines électriques à prix plancher
Avec des tarifs défiant toute concurrence, l’Italie vient de rendre l’électrique accessible à un public bien plus large. La Dacia Spring, affichée à 3 900 € (contre 17 900 € en catalogue), et la Leapmotor T03, proposée à 4 900 € (au lieu de 18 900 €), pulvérisent le seuil psychologique des 5 000 €. Même la Fiat 500e, icône locale, voit son prix chuter à 9 950 € (contre 23 900 €), sous réserve d’un prêt à 12,9 % – un taux élevé, mais compensé par l’ampleur des aides.
Les modèles concernés et les tarifs records
Trois modèles se distinguent dans cette offensive tarifaire. La Dacia Spring, déjà connue pour son positionnement low-cost, devient presque symbolique avec un prix final inférieur à celui d’un vélo électrique haut de gamme. La Leapmotor T03, marque chinoise peu connue en Europe, profite elle aussi d’un tarif agressif. Quant à la Fiat 500e, son prix reste plus élevé, mais la baisse atteint 58 % par rapport au tarif catalogue. Ces réductions sont rendues possibles par deux leviers : des coûts de production bas (grâce à une fabrication en Chine) et des subventions publiques exceptionnelles.
Le seuil psychologique des 5 000 euros pulvérisé
En franchissant la barre des 5 000 €, l’Italie rend l’électrique compétitif face aux véhicules thermiques d’occasion. Pour comparaison, une Renault Clio essence de 2018 se négocie autour de 6 000 à 8 000 € sur le marché de l’occasion. Les tarifs italiens transforment ainsi la donne : une citadine électrique neuve devient moins chère qu’une thermique de cinq ans. Ce basculement pourrait accélérer l’adoption, surtout auprès des ménages modestes, cibles prioritaires du dispositif.
Une tarification plus agressive qu’un vélo haut de gamme
Avec des prix finaux à 3 900 € ou 4 900 €, les citadines électriques italiennes coûtent moins cher que des vélos électriques premium. Un Vélib’ Métropole haut de gamme se vend autour de 4 500 €, tandis qu’un modèle comme le Cowboy 4 dépasse les 3 000 €. Cette comparaison illustre l’agressivité tarifaire du plan italien, qui vise à démocratiser l’électrique en le rendant accessible même aux budgets serrés. Reste à voir si cette stratégie suffira à combler le retard accumulé par le pays.

Le mécanisme inédit : les détails du plan d’incitation massif
Derrière ces tarifs exceptionnels se cache un dispositif public ambitieux, doté d’un budget de 600 millions d’euros. Les aides peuvent atteindre 11 000 € pour les ménages aux revenus annuels inférieurs à 30 000 €, à condition de mettre à la casse un véhicule de plus de 10 ans. L’objectif affiché : 60 000 immatriculations supplémentaires d’ici juin 2025. Un pari risqué, alors que les fonds précédents avaient été épuisés en moins de 9 heures.
Le nouveau programme d’incitation et ses conditions
Pour bénéficier des aides maximales, les acquéreurs doivent respecter trois critères :
- Acheter un véhicule 100 % électrique neuf ou d’occasion récente.
- Mettre à la casse une voiture de plus de 10 ans (norme Euro 2 ou inférieure).
- Appartenir à un ménage modeste (revenu annuel < 30 000 €).
La prime peut alors atteindre 11 000 €, soit près de 70 % du prix final pour une Dacia Spring. Pour les autres ménages, l’aide est plafonnée à 5 000 €. Ce ciblage précis explique pourquoi les tarifs finaux sont si bas : l’État italien prend en charge une part majoritaire du coût.
L’effort budgétaire et les objectifs d’immatriculation
Avec 600 millions d’euros alloués, Rome mise gros sur ce plan. Pour comparaison, la France a consacré 1,3 milliard d’euros en 2023 à son bonus écologique et à la prime à la conversion – mais avec des résultats mitigés. L’Italie vise 60 000 immatriculations en six mois, un objectif ambitieux alors que le pays n’a enregistré que 50 000 ventes de voitures électriques sur toute l’année 2023. Le risque ? Une ruée sur les aides, comme en juin 2024, quand 240 millions d’euros avaient été épuisés en quelques heures, bloquant des milliers de demandes.
Historique des aides et l’épuisement rapide des fonds
L’Italie a déjà connu des embouteillages administratifs avec ses dispositifs précédents. En juin 2024, un budget de 240 millions d’euros dédié aux voitures 100 % électriques avait été épuisé en moins de 9 heures, forçant la fermeture du portail de subventions. Seul le segment des hybrides rechargeables (émissions entre 61 et 135 g/km) avait échappé à la pénurie, faute de demande. Cette fois, le gouvernement a augmenté les fonds et simplifié les démarches, mais l’engouement pourrait à nouveau saturer le système.

Contrastes et enjeux : l’Italie à la traîne, la France interpellée
Avec seulement 5,2 % de parts de marché pour l’électrique, l’Italie affiche un retard criant face à la moyenne européenne (16 %). Son plan choc vise à combler ce fossé, mais soulève des questions sur l’équité des aides au sein de l’UE. En France, les mêmes modèles coûtent quatre fois plus cher, et les dispositifs d’aide ont été drastiquement réduits. La situation relance le débat sur une harmonisation européenne, évitant les distorsions de concurrence entre États membres.
Le retard du marché italien face à l’Europe
L’Italie traîne loin derrière ses voisins : avec 5,2 % de ventes électriques en 2023, elle se classe parmi les lanternes rouges de l’UE, devant seulement la Pologne et la République tchèque. À titre de comparaison, la Norvège frôle les 90 %, l’Allemagne dépasse les 20 %, et la France stagne autour de 16 %. Ce retard s’explique par plusieurs facteurs :
- Un parc automobile vieillissant (âge moyen : 12 ans).
- Un manque d’incitations stables jusqu’en 2024.
- Une méfiance culturelle envers les véhicules électriques, perçus comme coûteux et peu adaptés aux infrastructures locales.
Le plan actuel cherche à briser ces freins en ciblant les ménages modestes et en éliminant les véhicules les plus polluants.
La comparaison amère avec le dispositif français
En France, une Dacia Spring ou une Leapmotor T03 se vend autour de 16 900 € – soit quatre fois plus qu’en Italie. Pire : ces modèles, produits en Chine, sont exclus du bonus écologique français depuis octobre 2024, sous prétexte de protection de l’industrie locale. Résultat, les acquéreurs hexagonaux doivent se contenter d’aides réduites, voire inexistantes. La prime à la conversion a même disparu pour les ménages les plus aisés, et le leasing social (à 100 €/mois) reste limité à 100 000 véhicules.
Conséquence : le marché français stagne, avec une baisse de 23 % des immatriculations électriques sur les six premiers mois de 2024. À l’inverse, l’Italie pourrait connaître un rebond spectaculaire, au risque d’aggraver les déséquilibres commerciaux au sein de l’UE.
Le débat sur l’harmonisation européenne des bonus
Face à ces disparités, l’idée d’un bonus écologique européen unifié refait surface. Portée fin 2024 par l’ancien chancelier allemand Olaf Scholz, cette proposition vise à :
- Éviter les distorsions de concurrence entre États membres.
- Stabiliser les prix pour les consommateurs.
- Accélérer la transition en mutualisant les efforts.
Mais les obstacles sont nombreux : chaque pays défend ses intérêts industriels, et les budgets nationaux restent très inégaux. La France, par exemple, craint une concurrence déloyale des modèles chinois subventionnés, tandis que l’Italie mise sur ces mêmes véhicules pour doper son marché. Sans accord, le risque est une course aux subventions, où chaque État surenchérira pour attirer les constructeurs – au détriment d’une stratégie européenne cohérente.
Un modèle durable ou un coup d’éclat sans lendemain ?
Si l’initiative italienne marque les esprits, sa pérennité reste incertaine. Le budget de 600 millions d’euros pourrait s’épuiser rapidement, comme en 2024. Par ailleurs, les taux d’intérêt élevés (12,9 % pour la Fiat 500e) pourraient freiner les vocations. Enfin, la dépendance aux modèles chinois, comme la Dacia Spring ou la Leapmotor T03, pose question : que se passera-t-il si Pékin décide de réduire ses exportations ou d’augmenter ses prix ?
Les limites d’un dispositif fondé sur des importations low-cost
L’Italie mise sur des véhicules produits en Chine, où les coûts de fabrication sont 30 à 40 % moins élevés qu’en Europe. Mais cette stratégie comporte des risques :
- Dépendance géopolitique : une tension commerciale pourrait bloquer les livraisons.
- Qualité et SAV : les réseaux de réparation pour ces marques restent peu développés en Europe.
- Valeur de revente : les citadines low-cost pourraient perdre 50 % de leur valeur en 3 ans.
À long terme, cette approche pourrait affaiblir l’industrie automobile européenne, déjà en difficulté face à la concurrence asiatique.
L’impact réel sur la transition énergétique
Remplacer 60 000 véhicules thermiques par des électriques est un progrès, mais l’impact écologique dépendra de plusieurs facteurs :
- L’origine de l’électricité : l’Italie carbone (40 % de gaz naturel) limite les gains CO₂.
- La durée de vie des batteries : les modèles low-cost utilisent souvent des technologies moins durables.
- Le recyclage : les infrastructures pour les batteries sont encore insuffisantes en Europe.
Sans une stratégie globale (énergies renouvelables, bornes de recharge, économie circulaire), le plan italien risque de n’être qu’un coup de pouce temporaire, sans effet structurel sur la transition.










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