La filière aéronautique française vient de franchir un cap majeur dans sa transition écologique. Aura Aero, constructeur toulousain, a réussi le premier vol de son avion 100 % électrique, l’Integral E. Conçu pour la formation des pilotes et la voltige, cet appareil biplace incarne un tournant pour l’aviation légère, un secteur en quête de solutions décarbonées et plus économiques.
Un projet ambitieux pour une aviation plus verte
Depuis ses débuts, l’aéronautique a reposé sur les énergies fossiles, avec des conséquences environnementales et économiques notables. La décarbonation du secteur est devenue un objectif central. Avec l’Integral E, Aura Aero s’attaque à ce défi en proposant un appareil destiné à remplacer les avions thermiques utilisés dans les écoles de pilotage, tels que les célèbres Cessna. En utilisant une propulsion 100 % électrique, le biplace promet de réduire les émissions de CO₂ et les coûts de carburant, rendant ainsi l’apprentissage du pilotage plus accessible.
Présenté lors du Mondial de l’Auto à Paris, l’Integral E a su capter l’attention du public, aux côtés d’autres innovations écologiques, comme la nouvelle Renault 4. Ce rapprochement témoigne de la convergence des mobilités terrestres et aériennes vers des solutions décarbonées.
Une première mondiale pour un avion de voltige électrique
Le 5 décembre, Aura Aero a annoncé avoir réalisé le premier vol de l’Integral E. Cet avion biplace électrique, capable de voltige, est une première mondiale dans la catégorie des avions de formation. Le vol d’essai, d’une durée de 15 minutes, a permis de vérifier la consommation énergétique de l’appareil, jugée « meilleure que prévu » selon Jérémy Caussade, président d’Aura Aero. L’autonomie actuelle de 50 minutes, bien inférieure à celle de la version thermique (5 heures), est néanmoins jugée suffisante pour les besoins des écoles de pilotage et des aéroclubs.
La certification de l’Integral E est attendue dans les prochains jours, ouvrant la voie à une production des premiers exemplaires dès 2025. À ce jour, 30 commandes fermes et 200 lettres d’intention d’achat ont été enregistrées, signe d’un engouement pour cette alternative électrique. L’entrée en service est prévue pour 2026.
Un tremplin pour de futurs projets hybrides
L’Integral E ne représente qu’une étape dans la stratégie d’Aura Aero. L’entreprise développe également un avion de transport régional hybride électrique baptisé ERA. Ce futur appareil de 19 places, prévu pour 2028, sera propulsé par huit moteurs électriques alimentés par deux turbogénérateurs, le tout en partenariat avec Safran. Ce projet suscite déjà l’intérêt du secteur, avec 570 lettres d’intention d’achat émanant de 12 compagnies aériennes.
Ce type de développement s’inscrit dans un contexte plus large. En 2020, le pôle de compétitivité Aerospace Valley, en partenariat avec les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, a lancé un appel à projets pour favoriser la « mobilité aérienne légère et environnementalement responsable ». Ce dispositif a permis de mobiliser 17 millions d’euros au profit de plusieurs constructeurs de petits avions électriques et hybrides.
Un écosystème régional en effervescence
Dans le sud-ouest de la France, d’autres acteurs se mobilisent pour accélérer la transition écologique du secteur aéronautique. Au côté d’Aura Aero, des entreprises comme Beyond Aero, VoltAero et Ascendance mènent des projets ambitieux.
- Beyond Aero : cette start-up toulousaine a fait voler en février le premier avion électrique à hydrogène en France. Avec un moteur de 85 kilowatts et une pile à combustible intégrée à un ULM, l’entreprise vise désormais la création d’un avion d’affaires de 6 places, dont la certification est prévue pour 2030.
- VoltAero : basée à Rochefort (Charente-Maritime), cette société prépare la commercialisation de l’avion hybride Cassio 330, un appareil de tourisme de 4 places avec une autonomie de 200 km. La mise en service est attendue pour 2026.
- Ascendance : cette entreprise de Toulouse développe l’Atea, un appareil hybride à décollage vertical (VTOL) doté de huit rotors horizontaux et de deux moteurs à l’avant et à l’arrière. Alimenté par un turbogénérateur, l’Atea pourra parcourir 400 km à 200 km/h tout en réduisant la consommation de kérosène et les émissions de CO₂ de 80 %. Le premier vol est prévu pour 2025.
Les défis de l’aviation électrique
Si l’engouement pour les avions électriques et hybrides est réel, des défis techniques subsistent. Le poids des batteries et leur autonomie limitée restreignent l’utilisation de ces appareils aux vols de courte durée. Par exemple, le Velis Electro, premier avion électrique certifié en 2020 par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), offre une autonomie d’une heure, le rendant apte aux écoles de pilotage mais peu adapté au transport régional.
De son côté, le groupe Daher a mené des essais sur le prototype EcoPulse, un avion d’affaires TBM modifié avec six moteurs électriques à hélice, alimentés par des batteries et un turbogénérateur. Les résultats ont permis de tester de nouvelles technologies électriques, mais Daher ne prévoit pas de lancer de TBM entièrement électrique avant plusieurs années. « Les technologies de batteries et de convertisseurs ne sont pas encore assez matures », précise Didier Siméon, responsable du projet.
Un secteur en quête de certification
Quatre ans après la crise sanitaire, l’aviation décarbonée est à un tournant. De nombreuses entreprises, notamment des start-up, attendent la certification de leurs appareils pour passer à la phase de production. L’exemple des difficultés rencontrées par l’Allemand Lilium et le Californien Universal Hydrogen illustre la complexité des démarches administratives et des tests de sécurité.
Malgré ces obstacles, la dynamique reste forte. Les projets français portés par Aura Aero, Beyond Aero, VoltAero et Ascendance participent à la transformation du secteur, aux côtés de grands acteurs comme Airbus, qui explore également des solutions hybrides et à hydrogène. Les ambitions ne manquent pas, mais la filière devra surmonter les verrous technologiques et les exigences de certification pour que l’aviation électrique prenne véritablement son envol.