LGV Bordeaux-Toulouse : peut-on allier mobilité rapide et sobriété énergétique ?

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Le train, souvent présenté comme un modèle de transport écologique, est au cœur des débats environnementaux. En France, des projets comme le Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), qui ambitionne de relier Bordeaux à Toulouse par une ligne à grande vitesse (LGV), suscitent des controverses. Bien que les trains émettent significativement moins de CO₂ que les voitures ou les avions, la construction des infrastructures nécessaires engendre des impacts environnementaux considérables. Cette contradiction met en lumière la nécessité d’une évaluation approfondie de l’ensemble des effets des projets ferroviaires pour déterminer leur rôle dans la transition écologique.

Des gains considérables en termes de mobilité et de réduction des émissions

Les avantages environnementaux du train sont bien documentés. Selon l’ADEME, un trajet de 500 kilomètres en TGV génère en moyenne 0,87 kg de CO₂ par passager, contre 63 kg pour un vol en avion et 96 kg pour une voiture thermique. Ces chiffres augmentent légèrement lorsqu’on inclut l’empreinte carbone complète (production d’énergie, distribution) : 1,2 kg pour un TGV contre 115 kg pour un avion. Ces données font du train le moyen de transport motorisé le moins polluant.

Le GPSO, à travers son projet de 418 kilomètres de nouvelles lignes ferroviaires, dont 252 kilomètres entre Bordeaux et Toulouse, promet un report modal significatif. Sur une période de 50 ans, les autorités estiment une économie totale de plus de 2,3 millions de tonnes équivalent pétrole grâce à un transfert des flux routiers et aériens vers le rail. En termes d’émissions de gaz à effet de serre, le transport routier représente aujourd’hui 94,7 % des émissions du secteur en France. La réduction de ces émissions par le report modal est un argument majeur en faveur du GPSO.

Sur le plan de la mobilité, le GPSO permettra de réduire le temps de trajet entre Bordeaux et Toulouse à 1 h 05 (1 h 20 avec arrêts) et de relier Paris à Toulouse en environ 3 h 25, soit un gain de 49 à 56 minutes par rapport à l’offre actuelle. Ces économies de temps sont particulièrement valorisées économiquement : en Île-de-France, par exemple, une heure de temps gagnée par un professionnel était estimée à 22 € en 2010, une valeur qui a augmenté avec l’inflation.

Les externalités négatives : un coût écologique et social élevé

Malgré ses bénéfices, le GPSO a un coût environnemental important. La construction de cette infrastructure entraînera la déforestation de 4 800 hectares de terres, répartis comme suit : 770 hectares pour le segment Bordeaux-Sud Gironde, 2 330 hectares pour Sud Gironde-Toulouse, et 1 700 hectares pour Sud Gironde-Dax. Cette perte de biodiversité est difficilement compensée par des replantations, car recréer un écosystème mature peut prendre des décennies, voire des siècles.

La production des matériaux nécessaires à la construction, notamment le béton et l’acier, génère également des émissions importantes. Ces émissions sont rarement intégrées dans les calculs d’impact écologique, ce qui fausse parfois l’analyse globale. La neutralité carbone du GPSO n’est prévue qu’à l’horizon 2056, ce qui souligne l’importance de considérer l’ensemble du cycle de vie des infrastructures dans les évaluations environnementales.

Des coûts financiers colossaux

Le GPSO représente un investissement total de 14,3 milliards d’euros, dont 10,3 milliards sont dédiés à la liaison Bordeaux-Toulouse. Ces montants incluent la construction des infrastructures, mais aussi les compensations pour les impacts environnementaux. Les coûts élevés soulèvent la question de la rentabilité socio-économique du projet, d’autant plus que des alternatives comme la rénovation des lignes existantes présentent des coûts et des impacts moindres.

Alternatives : moderniser le réseau existant

La rénovation des lignes existantes est souvent présentée comme une alternative plus durable. Par exemple, un scénario dit « optimisé » proposé par le Réseau Ferré de France (RFF) prévoit de moderniser les lignes actuelles pour un coût inférieur et avec un impact environnemental réduit. Ce scénario ne permettrait toutefois qu’un gain de temps de 19 minutes sur les trajets actuels, contre 49 à 56 minutes pour le GPSO.

La comparaison avec des pays comme la Suisse met en évidence le potentiel inexploité du réseau ferroviaire français. Avec 3 265 kilomètres de voies ferrées, la Suisse fait circuler environ 15 000 trains par jour, contre un nombre équivalent en France, qui dispose pourtant de 27 483 kilomètres de voies. Une meilleure gestion et une optimisation des lignes pourraient considérablement améliorer l’offre sans nécessiter de nouvelles constructions.

Le train à hydrogène : une solution d’avenir ?

Pour les lignes non électrifiées, le train à hydrogène pourrait représenter une solution prometteuse. En 2022, un train à hydrogène a établi un record mondial en parcourant 1 175 kilomètres en Allemagne sans refaire le plein. En France, des essais sont en cours, avec une mise en circulation commerciale prévue d’ici la fin 2025. Cette technologie, qui rejette uniquement de la vapeur d’eau, pourrait remplacer les locomotives diesel encore largement utilisées dans les TER, qui émettent jusqu’à 26,5 g de CO₂ par kilomètre et par personne.

Un choix politique déterminant

Le développement des infrastructures ferroviaires illustre la complexité des choix politiques dans la transition écologique. Les experts soulignent que les décisions relèvent avant tout de priorités sociétales. Faut-il privilégier les gains de temps et le report modal permis par de nouvelles LGV, ou miser sur la rénovation et l’optimisation du réseau existant pour limiter les impacts environnementaux ?

Finalement, le GPSO pose une question essentielle : comment concilier innovation, efficacité et préservation de l’environnement ? Une stratégie équilibrée, combinant construction ciblée de nouvelles infrastructures, modernisation du réseau existant et adoption de technologies comme l’hydrogène, pourrait constituer une réponse adaptée à ces défis.